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La violence n'est pas une fatalité |
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Evangile
de Jean, ch. 2, v. 13 à 17 13 14 Il trouva dans le temple les vendeurs de boeufs, de brebis et de
pigeons, et les changeurs assis. 15 Ayant fait un fouet avec des cordes, il les chassa tous du temple,
ainsi que les brebis et les bœufs; il dispersa la monnaie des changeurs, et
renversa les tables; 16 et il dit aux vendeurs de pigeons: Ôtez cela d'ici, ne faites pas de
la maison de mon Père une maison de trafic. 17 Ses disciples se souvinrent qu'il est écrit: Le zèle de ta maison me
dévore.
45 Il entra
dans le temple, et il se mit à chasser ceux qui vendaient, 46 leur
disant: Il est écrit: Ma maison sera une maison de prière. Mais vous, vous en
avez fait une caverne de voleurs. 47 Il
enseignait tous les jours dans le temple. Et les principaux sacrificateurs,
les scribes, et les principaux du peuple cherchaient à le faire périr; 48 mais ils ne
savaient comment s'y prendre, car tout le peuple l'écoutait avec admiration.
47 Un de ceux
qui étaient là, tirant l'épée, frappa le serviteur du souverain
sacrificateur, et lui emporta l'oreille.
10 Simon Pierre, qui avait une épée, la tira, frappa le serviteur du souverain sacrificateur, et lui coupa l'oreille droite. Ce serviteur s'appelait Malchus.
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Ce
n’est une surprise pour personne parmi nous : Dans des discours contemporains nos églises ne cessent au nom de l’évangile de paix d’appeler à la Paix en nous, entre nous et pour tous les humains de notre planète. Jésus
n’a pas échappé durant sa vie terrestre
à ce processus de violence. Il en
a été le témoin, il y a été
mêlé, il l’a subie jusqu’à
l’extrême notamment dans
la mort de la croix et visiblement l’un des deux textes que
nous avons lu
avec toutes les nuances que l’on veut y apporter nous
disent qu’il a lui
même contesté violemment certains usages et pratiques
religieuses et
socio-politiques de son époque. L’évangile
de Jean est curieusement celui qui est le plus précis dans sa description de la
scène et même si le fouet utilisé semble l’avoir été pour chasser les animaux
présents dans les échoppes à l’entrée du temple, il est évident que Jésus a
tout comme nous été mêlé à des situations de violence. Au delà du scandale
ressenti par Jésus au moment ou il constate que le parvis des prosélytes n’est
plus un lieu de prière qui souligne l’accueil de dieu aux humains de toute
origine qui a été dénaturé en lieu de commerce bruyant. Jésus s’en prend
aussi à un système sacrificiel qu’il estime, ou que les héritiers de la
tradition johannique jugent, dépassé. La
figure de Jésus nous échappe, il est à la fois maître de sagesse, prophète,
critique des usages de son époque, il présente parfois des aspects
révolutionnaires, mais il n’est jamais réductible à un style unique même si
nous avons nos préférences et si nous les projetons sur lui. Jésus se présente
à nous comme quelqu’un qui visiblement luttait violemment contre tout
enfermement social, contre toutes les prisons mentales, psychiques dans
lesquelles on retient prisonnier des hommes et femmes au nom de nos fantasmes
ou de notre volonté de tordre la réalité. Jésus n’aura de cesse de lutter
contre l’enfermement dogmatique de ceux et celles avec lesquels il n’a pourtant
pas refusé d’entrer en dialogue. Les
chrétiens, il faut bien le dire pas plus que les autres hommes marqués par
d’autres traditions religieuses n’ont été à l’aise avec la violence. Si
les premiers chrétiens qui subissaient la haine et développaient la thèse du
martyr et en appelaient à la justice de Dieu, viendra un temps ou l’Eglise
dominante instituée par l’Edit de Théodose instituera un système qui sera très
vite tenté de poursuivre les hérétiques, et d’interdire d’autres cultes … Les
croisades , les tribunaux de l’inquisition ou plus récemment les guerres de
religions liées à Nous sommes bien obligés de reconnaître que la violence au delà de nos convictions de nos confessions religieuses est inhérente à l’homme. Et peut être, chers frères et sœurs dans la foi commune en notre Seigneur Jésus Christ, sommes nous des bêtes curieuses parce que nous osons penser que la violence n’aura pas le dernier mot. Nous sommes obligés de reconnaître qu’il y a autour de nous des hommes et femmes qui prônent, défendent, militent pour une attitude violente vis à vis de tout ce qu’ils considèrent comme une atteinte à leur conception du monde. Alors
nous aimerions bien savoir avec précision d’ou vient la violence. Nous
aimerions la définir précisément, la circonscrire, la débusquer, comprendre
comment elle advient, mais nous sommes obligés de reconnaître que son origine
nous échappe, qu’elle est depuis toujours et partout ! Violences
des forces de la nature Violence
de la mort Violence
de la vie qui bouleverse ce qui est inerte Violence
animale Mais
surtout violence humaine tapie en nos cœurs: symbolique, sacrale, guerrière. Et
aujourd’hui nous sommes dans une situation paradoxale le progrès incontestable
que nous avons tant vanté participe lui aussi à développer un contexte de
violence universelle ! Jésus
dans les deux textes que nous avons lus semble adopter une attitude
contradictoire. Mais en y regardant de plus près dans les deux cas il refuse la
violence contre l’homme ! Pendant toute la durée de son ministère Jésus, ne
cessera de refuser : · Premièrement
: la violence des Zélotes, qui au nom d’un nationalisme religieux, veulent
s’approprier le pays, l’épurer de toute présence étrangère et refuser tout
partage. · Deuxièmement
: la violence plus mesquine d’un pouvoir religieux, compromis avec le
politique, qui exclue et tue au nom de la sacro-sainte « raison d’état » L’Evangile
au delà de ce que nous en avons entendu compris et de ce que nous sommes
capables de vivre demeure une parole qui est sans cesse à reprendre, à
remettre sur le métier. Au delà de nos difficultés à assumer notre humanité,
l’évangile ne cesse de nous interpeller et nous conduit à discerner qu’il y a
en son sein des paroles qui au delà de la fibre humaine dont nous l’avons
habillé demeurent des paroles de vie, essentielles incontournables, il y a bien
un canon dans le canon, des textes qui nous renvoient notre image et des textes
qui prônent aujourd’hui comme hier une attitude nouvelle. L’Avent qui vient
nous invite à tout recommencer avec celui qui nous rejoint dans nos ténèbres
pour nous introduire à une vie nouvelle. N’est
ce pas Dieu qui déclare : « il n’est pas bon que l’homme soit seul… ». En
cela trop souvent nous n’entendons qu’un texte qui fonderait le mariage ; mais
il y a plus ce texte nous invite à comprendre que la terre ne nous appartient
pas à nous seul et que d’autres avec nous sont appelés à l’habiter, à la
construire mais aussi qu’ils peuvent comme nous se tromper de vocation en
vivant comme des consommateurs. Face
au flot de violence qui paraît se développer dans notre monde nous avons
l’impression d’être des serviteurs inutiles avec de faibles moyens. Les paroles
de Paix de Fraternité d’Amour que nous livre l’Evangile semblent être
parfois hors de notre portée et pourtant n’est ce pas Dieu s’adressant à
son peuple dans le livre du Deutéronome 30, 11 à 15 qui déclare : « Ce
commandement que je te prescris aujourd'hui n'est certainement point au-dessus
de tes forces et hors de ta portée. Il
n'est pas dans le ciel, pour que tu dises: Qui montera pour nous au ciel et
nous l'ira chercher, qui nous le fera entendre, afin que nous le mettions en
pratique? Il
n'est pas de l'autre côté de la mer, pour que tu dises: Qui passera pour nous
de l'autre côté de la mer et nous l'ira chercher, qui nous le fera entendre,
afin que nous le mettions en pratique ? C'est
une chose, au contraire, qui est tout près de toi, dans ta bouche et dans ton
cœur, afin que tu la mettes en pratique. Vois,
je mets aujourd'hui devant toi la vie et le bien, la mort et le mal. » Lorsque Jésus chasse les marchands du temple bouscule, les animaux qui étaient là préparés pour les sacrifices, il s’inspire des actes symboliques souvent posés par les grands prophètes pour faire passer leur message en frappant l’imagination. Je
suis convaincu qu’il y a dans le Nouveau testament des principes qui nous
permettent de concevoir une vie sociale familiale politique économique
différentes ; sans avoir en rien le temps de les développer avec vous
j’aimerais que ces paroles soient là comme à
notre portée, elles ne sont pas au delà de nos forces ou sur un continent
lointain nous obligeant à une course au trésor à l’issue incertaine! Ainsi en est-il en
parcourant la bible. Nous
voyons ici et là des exhortations qui nous montrent la voie. · Aimez
vous les uns les autres :( Jean 13, 34 à 35) cette parole qui n’est pas
réservé aux chrétiens entre eux est un appel à rencontrer l’autre dans sa
vérité et sa différence. N’est ce pas l’apôtre Paul lui même qui déclare que
l’amour de Dieu est haut , large, long , profond et que sans aucun doute nous
n’en avons pas encore exploré toutes les dimensions. · Accueillez
vous les uns les autres. (Romains 15,7) C’est bien sur ce plan que nous
avons eu historiquement le plus de mal. Si la nature est difficile à dompter si
elle nous réserve encore des surprises lorsqu’elle enlève en quelques instants
les lieux de vie de nos frères humains, nous n’avons pas à rajouter à la souffrance
mais à faire en sorte qu’en nous accueillant les uns les autres la violence
sauvage ne détruise pas toute espérance mais qu’au contraire nous ouvrions la
voie de jours plus beaux ; · Exhortez
vous les uns les autres. (Colossiens 3,16) Au delà de cette formulation
ne sommes nous pas invités à sortir de nos vérités cadenassées. A renoncer aux
discours qui souvent ne ressemblent qu’a des exposés juxtaposés ou au dialogue
bon ton du genre salon de thé pour entrer dans une réelle écoute de la parole des
autres, ce qui ne veut pas dire devenir insipide et sans idées, mais faire
route ensemble pour que nous soyons interpellés modelés questionnés transformés
par nos apports mutuels. Vous sentez bien derrière mes propos que comme
d’autres je suis convaincu qu’il n’y a d’avenir dans notre engagement contre la
violence inutile que si il s’instaure un véritable dialogue interreligieux, qui
touche aussi au politique. Nos religions le savent par expérience au nom de
tous les dialogues manqués. Et il y a là, comme l’a bien mis en évidence Paul
Ricœur, tout un travail honnête de réécriture de notre histoire et de notre
mémoire qui doit être fait avec sérieux et exigence et qui implique l’auto
critique et la démarche du pardon mutuel. · Veillons
les uns sur les autres (Hébreux 10, 24) Dietrich Bonhoeffer disait rester seul
avec son mal, c’est rester tout à fait seul. Nous sommes invités ici à regarder
ceux qui sont à coté de nous ; nous avons tous en mémoire ces paroles de Dieu à
Caïn : « Ou donc est ton frère Abel ? et cette réponse « Suis je le
gardien de mon frère ?! ». Assurément nous sommes les gardiens de nos
frères. Mais gardien ne veut pas dire celui qui épie et qui brise l’avenir. Il
me parait certain que c’est aussi en développant des relations nouvelles avec
ceux qui sont à coté de nous que peu a peu nous pourrons induire un
comportement nouveau dans notre société. · Edifiez
vous les uns les autres. (1 Thessalonissiens 5, 11). Edifier, construire · Des
hommes et femmes des jeunes et moins jeunes sont dans notre société repoussés
délaissés considérés comme indésirables. Prévention, écoute, partage, accueil
sont certainement des attitudes plus positives et porteuses de fruits, que la
peur, l’indifférence, le rejet. Mais
la liste des recommandations pauliniennes ne s’arrête pas à ce que nous venons
de dire et l’on trouve sous la plume de l’apôtre ces autres recommandations qui
dans un premier temps furent adressées aux communautés chrétiennes pour
qu’elles manifestent dans notre monde une manière de vivre nouvelle mais qui
ont une vocation universelle. Ainsi
l’apôtre déclare encore : Estimez
vous mutuellement supérieurs, (Phil 2,3) estimez que l’autre est
supérieur qu’il est plus que ce que vous croyez qu’il est. Honorez
vous les uns les autres (Romains 12, 10) Soumettez
vous les uns aux autres (Ephésiens 5,21) Supportez
vous les uns les autres (Ephésiens 4, 1 à 3) Pardonnez
vous les uns les autres (Colossiens 3, 12 à 14) Pardonnez
vous réciproquement Priez
les uns pour les autres (Jacques 5, 16) Vivez
en paix les uns avec les autres (I Thess 5, 13) En plein accord les uns avec les autres et consolez vous les uns les autres Il
y a là tout un programme de vie qui peut nous mettre en mouvement et qui
quelque part nous redit que les intuitions fondamentales de l’éthique biblique
ne sont pas dépassées. Mais à réapprendre et à ré habiter avec conviction et
amour. L’évangile
signifie pour nous bonne nouvelle, malgré nos faiblesses nos manquements notre
manque de foi en cette parole de Dieu elle demeure et reste une invitation
adressée à tous les hommes et femmes de notre temps. L’Eglise découvre qu’elle
a devant elle non seulement un nouveau sujet de réflexion éthique mais un
combat à mener pour refuser toutes formes d’agressions dont les humains
sont l’objet. L’évangile, comme a tenté de le concevoir Paul en tant que
disciple de Jésus Christ, offre encore et toujours à notre humanité des
alternatives nouvelles. Face à l’exclusion elle propose le partage, face à la
vengeance le pardon, face à la résignation le dialogue constructif ou chacun
est accueilli. Face à l’intolérance l’évangile propose la liberté de la foi. Finalement
les gestes de Jésus nous invitent dans un langage simple et adapté à notre vie
d’aujourd’hui à réaliser que la violence est le contraire du respect et qu’elle
ne nous permet en rien de comprendre le non des autres et de travailler à
leur bien ; au contraire elle dit clairement que nous refusons la
différence des autres. Si notre société est traversée de violence nous sommes
invités à canaliser notre agressivité pour qu’elle ne devienne plus jamais
violence. Jésus au travers de son ministère n’a cessé de s’intéresser à ceux
qui étaient victimes de la violence et a remis en cause les lois inhumaines, il
a prôné leur remplacement par des repères qui posent des limites au nom de
l’amour. Il nous a invité à prendre conscience du fait que derrière le plus
violent se cache souvent le plus souffrant. L’Eglise dans cette perspective
doit se souvenir de cela et s’engager avec d’autres afin que l’on propose une
réelle éducation à l’accueil de l’autre. Devant les pannes du dialogue social
l’évangile dit que Dieu ne met pas dehors celui qui vient à lui. Il nous
invite à écouter encore. Dans un monde qui ose parfois imaginer qu’il n’y aura
plus remède à certaines souffrances l’évangile nous invite à chercher encore ! L’évangile
renverse nos compromis, nous invite à nous décider, à nous engager, aujourd’hui
plus encore même que la dignité ou l’intégrité de la personne humaine c’est de
l’homme en tant qu’être nouveau promis à l’épanouissement dont il est question. Alors sans avoir de recettes miracles osons poser des actes prophétiques comme des gestes simples qui s’inspirent des propositions de l’évangile. Osons nommer les causes des souffrances, des pauvretés qui conduisent au désespoir et refusons tous ces discours qui dénaturent l’homme et créent des factions irréconciliables. L'espérance, la réconcilaition ne sont pas des utopies irréalisables. Si en apparence nous n'avons beaucoup d'armes adaptées pour atteindre cet objectif. Nous pouvons avec notre foi, beaucoup d'impertinence et surtout en ne cessant d'aimer, faire en sorte que notre vigne humaine ne soit jamais plus un lieu ou coulera le sang.
Frédéric Verspeeten |