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Les
différences ecclésiales entre |
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- 1. Des territoires historiques et d’expansion - 3. L’organisation des communautés - 4. Une manière de concevoir le pouvoir politique - 6. Approche théologique : le rapport au salut. (La
question des saints) - Conclusion : des rapprochements progressifs Conférence donnée par Jean-Marc Bocquet, vicaire épiscopal, le 5 avril 2006 à la rencontre de la Commission interreligieuse de Saint-Amand-les-Eaux. Introduction Il me semble dangereux de raisonner la question des
différences entre catholiques et protestants à partir de la notion
de « Vérité ». Ou d’universalité. Le risque est de croire que,
par définition, notre opinion est la bonne, expression de Ma méthode peut en outre soulever bien des
objections : je vais souvent forcer le trait de mes opinions, non pour
caricaturer, mais pour permettre un accès facilité à la compréhension de mon
propos. Il ne s’agit surtout pas d’absolutiser mon discours, c’est une simple
méthode pédagogique. Le sujet même ici proposé, des différences,
incite d’ailleurs à élargir les écarts. J’ajoute que, comme il se doit, j’ai
une meilleure connaissance de la tradition catholique que protestante. Mon approche doit assez bien à l’Histoire. C’est l’un de
mes métiers, et, en outre, elle permet ce recul qui aurait permis de
dédramatiser bien des tensions. Je vais essayer de passer en revue quelques points où se manifestent les différences les plus notables et fondamentales entre nos sensibilités respectives, ce qui ne signifie nullement qu’aucun d’entre nous doive se rallier à l’ensemble des traditions et comportements décrits, et qu’en tous points, l’esprit critique et la conscience personnelle soient des composantes essentielles de nos manières de croire. 1. Des terroirs
historiques d’expansion. Les
divisions historiques de l’Empire Romain subsistent…L’une des réémergences
les plus cruelles et spectaculaires a été la guerre de décomposition de 2. Sensibilités globales. Héritière de l’Empire Romain
qu’elle a assumé et relevé dès l’Antiquité tardive, l’Eglise en a reproduit
les modes de fonctionnement : centralisation, hiérarchie stricte, fondée
sur le caractère sacré du pouvoir, faste inspiré des royautés orientales,
unicité du pouvoir temporel et spirituel. Le « Saint Empire
Romain-Germanique » et la papauté, dès le XIème siècle, se disputèrent
la primauté sur les terres connues. Jusque très tard, l’Eglise qualifiée de
catholique, s’estima seule source de toute légitimité et de tout pouvoir :
c’est la doctrine de l’Augustinisme politique. Les rois catholiques étaient
dénommés « évêques du dehors ». Les rites de l’ordination
sacerdotale sont ceux de l’hommage féodal. En terre moins romanisée, en
revanche, subsistait la relation de proximité et de communauté humaine, une
certaine autonomie dans l’organisation politique, une rébellion latente
(protestation ?) face à toute tentative d’emprise de quelconque pouvoir
à prétention centralisatrice. Il y a déjà, derrière ce
descriptif, la matrice du centralisme universaliste romain, et de l’autonomie
des églises issues de 3. L’organisation des communautés. Là se trouve une différence
essentielle entre catholicisme et protestantisme. Le catholicisme est organisé en
une hiérarchie stricte et ritualisée, sacralisée (la « succession
apostolique »), charpentée par un clergé «séparé », une monarchie
absolue de droit divin. Les églises protestantes, en revanche, disposent d’une totale autonomie et se constituent selon des critères de sensibilité », d’origine ethnique, de reconnaissance d’un fondateur, d’écoles théologiques, etc… La seule centralité admissible est de mode fédéral, posée sur le libre consentement des églises. 4. Une manière de
concevoir le pouvoir politique. Par
définition, le pouvoir, pour l’Eglise catholique, vient de Dieu. Il est donc
appelé à s’exercer universellement, et à être conforme au mode désigné par le
magistère religieux. A l’état pur,-ces remarques se réfèrent bien plus aux
théories de l’Ancien Régime qu’aux conditions d’aujourd’hui-- le catholicisme
implique cohérence et unité entre pouvoirs temporel et spirituel. L’Evangile
est seule source légitime pour l’organisation politico-sociale. C’est le rêve
de l’ « intégralisme », ou du légitimisme de Joseph de
Maistre. (D’où dérive l’Action Catholique). Ainsi, à la procession du St
Cordon, c’est le conseil municipal qui porte En
terre protestante en revanche, place est laissée, au moins en principe, à un
certain libéralisme, avec séparation du spirituel et du temporel, liberté d’opinion
et développement des doctrines républicaines. Des concepts majeurs comme la
laïcité, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, les droits de l’Homme, Il semble que le statut minoritaire ou majoritaire importe largement quant à la façon de se situer face aux pouvoirs… 5. Inclusion sociopolitique. Le
catholicisme, du IVème au XIXème siècle, a été la religion dominante en
Occident. Le combat livré en France entre pouvoirs temporel et spirituel,
gagné par le premier, a réduit la religion catholique à une parmi d’autres
composantes idéologiques de la nation. Son influence, prédominante sous
l’Ancien Régime s’est peu à peu réduite, dans les domaines politique,
économique et culturel. Les catholiques ont dû inventer une manière d’exister
en régime pluraliste et laïque. L’équilibre auquel ils sont parvenus est
toujours précaire, à la merci d’hostilités franches ou de bienveillances
intéressées. L’avènement de la laïcité se fit contre le gré des catholiques,
et il fallut un long et déchirant « travail sur soi » pour qu’ils
parviennent à acquiescer à un régime qui, dans la situation quasi minoritaire
où ils sont parvenus, leur est aujourd’hui une protection plus qu’une menace.
La perte de leur situation de dominance a amené 3 types d’attitudes : - Le
repli identitaire, marqué par une appréciation pessimiste
du monde, vu comme mauvais et hostile à
la « Vérité ». Il s’agit
de rassembler le « petit reste »,
identifié par une morale décalée par rapport
à la majorité, une crispation sur le passé
évoqué comme âge d’or, une
référence philosophique à une
« Vérité » bafouée par les
évolutions et le progrès. On peut retrouver de telles
tendances dans l’Action Française ou
l’intégrisme lefebvriste. - L’enfouissement, qui accepte
comme partenaires tous les « hommes de bonne volonté », se
refuse à pratiquer l’affirmation d’une identité chrétienne, croit en un
progrès de l’humanité aimantée par Dieu (Teilhard de Chardin), recherche en
la société toutes les traces de l’Esprit, par-delà les frontières
idéologiques ou religieuses, fonde son témoignage sur l’action personnelle
plus que sur l’organisation en institutions
(déconfessionnalisation).L’humilité et la qualité de l’engagement sont les
plus pertinentes expression de la foi. Cette attitude d’enfouissement, à
moins que de se replier dans la religion privatisée, repose sur un
« préacquis » chrétien qui tend de plus en plus à s’effacer. - Avec le repli progressif et la
crainte d’une disparition à venir de la référence chrétienne, des tendances
se formulent, qui consistent à réaffirmer le caractère public de la religion,
sa visibilité, à réintervenir sous une identité catholique dans le concert
social. Les agressivités antireligieuses diffusées par une intelligentsia
influente amènent progressivement des réactions de défense et
d’approfondissement de la part des catholiques. Les protestants, en France, n’ont jamais connu la situation de majorité. Leur a été épargnée la frustration du pouvoir perdu. La laïcité a été préparée par l’action politique et intellectuelle de notables influents de culture protestante. Elle a été saluée comme une garantie de sécurité, de liberté et de reconnaissance de leur tradition par les institutions et l’opinion publiques. Elle est en outre conforme à l’idéal réformé de liberté d’opinion, et de démocratie mis en œuvre par le régime républicain. Le protestantisme a ainsi pu faire l’économie d’une réadaptation de sa tradition aux « temps nouveaux » de la sécularisation. 6. Approche théologique : le rapport au Salut. (La
question des saints). La
maxime essentielle de Luther était, face à la puissance dogmatique du
magistère romain : « Sola gratia, sola fides, sola
Scriptura ». (La grâce seule, la foi seule, l’Ecriture seule).
L’homme est incapable de se sauver par ses propres mérites, fût-il le plus
généreux et fidèle aux enseignements évangéliques. Le péché emprisonne
l’humanité malgré ses cris et ses efforts, seul le don gratuit de Dieu peut
la sauver. Revendiquer ses mérites pour s’affirmer sauvé n’est donc que
présomption et idolâtrie. Les
catholiques, au contraire, croient l’homme capable de faire une part du
chemin qui le conduit vers Dieu. Il y a là une vision plus confiante en
l’humanité, qu’exprime la joie de vivre de l’art de 7. Le rapport à l’argent. Le catholicisme, se fondant sur
des affirmations péremptoires de Jésus, a très tôt entretenu un rapport
soupçonneux à l’argent. Trop séduisant pour être serviteur honnête, la
pauvreté a au contraire été exaltée par la tradition monastique et les pères
du Désert. La ruralité a été pour les catholiques un lieu d’épanouissement
plus légitime que la grande industrie ou l’urbanité. Pour le protestantisme,
l’activité économique n’est nullement illégitime. Spiritualité et gestion de 8. Les sacrements. Ils
différencient assez clairement catholicisme et protestantisme. En régime
catholique, le prêtre est en quelque sorte intermédiaire entre Dieu et les
humains, signe de Jésus-Christ ressuscité. Pour les protestants, le pasteur qui
préside au sacrement n’a qu’un rôle fonctionnel. Le baptême
est commun, même si les modalités divergent souvent : âge, immersion,
rituel, etc… L’eucharistie est
un lieu de débat fort, dès Luther. Pour les catholiques, il y a
« transsubstantiation » : le pain et le vin deviennent corps
et sang du Christ. Jean Scot Erigène, un théologien du IXème siècle, y voyait
des cellules corporelles du Christ ressuscité. Pour les protestants, elle est
« consubstantiation » : le pain et le vin représentent
symboliquement le corps et le sang du Christ. Il semble qu’une approche
approfondie de la signification du symbole pourrait permettre une
compréhension rapprochée de l’eucharistie. La confirmation
est le 3ème des
sacrements de l’initiation chrétienne pour les catholiques, don de
l’Esprit-Saint. Pour les protestants, elle n’a pas valeur sacramentelle
particulière : le baptême suffit à désigner la personne comme membre du
corps du Christ. Elle correspond dans les églises issues de La réconciliation
nécessite en régime catholique le ministère d’un prêtre, donné comme
représentant de Jésus-Christ. Ce statut d’intermédiaire entre le croyant et
Dieu n’est pas admis dans le protestantisme. La confession se fait
directement du fidèle vers Dieu. Le mariage différencie clairement
catholiques et protestants. Il est sacrement pour les premiers, image de
l’alliance indéfectible entre Dieu et les hommes, et nécessite la
ratification par un ministre ordonné. L’indissolubilité est strictement
établie. Il est d’abord un acte civil pour les protestants, reconnu par
l’Eglise d’appartenance. Le divorce est largement admis, au contraire de
l’Eglise catholique. L’onction des malades n’est sacrement que pour l’Eglise catholique. Enfin l’ordination des diacres, prêtres ou
évêques constitue le lieu de divergence le plus notoire. Les évêques sont
successeurs des apôtres (succession apostolique), revêtus de leurs mêmes pouvoirs.
Ils étendent leur responsabilité aux prêtres et aux diacres. Prêtres et
évêques sont nécessairement célibataires et de sexe masculin (comme le
Christ). Ils disposent du pouvoir magistériel. Le pape, évêque de Rome,
dispose d’une primauté consacrée encore par
l’infaillibilité en matière de dogme. Le magistère dispose ainsi d’un
pouvoir de régulation et de définition qui l’emporte en légitimité, sans
l’abolir, sur la conscience personnelle des croyants. Les pasteurs, hommes ou femmes, n’ont aucun pouvoir
sacral ni hiérarchique. Ils sont des animateurs pastoraux, des coordinateurs
désignés et salariés par la communauté des fidèles. La vie religieuse
consacrée est surtout pratiquée en milieu catholique. « Frères » et
« sœurs »ne sont pas ordonnés, ce qui les rapproche de
l’institution protestante des « diaconesses ». Cette question du sacrement de l’ordre est sûrement le point qui distingue le plus fondamentalement catholiques et protestants, même si, depuis quelques décennies, des rapprochements tentent de s’opérer, avec les Anglicans en particulier. 9. Le statut de la femme. Le christianisme, centré sur la latinité, a modelé sa pratique sur les modes de fonctionnement méditerranéens, tout en assurant une vraie promotion de la femme : ordres religieux féminins, reconnaissance du mariage par choix
des époux, détaché des arrangements entre familles ou clans). Néanmoins, le
développement du protestantisme sur des terres septentrionales, plus marquées
par l’autonomie de la femme, a atténué la subordination dont la marquait la
tradition latine ou orientale. Le catholicisme est très dépendant de l’activité de femmes, qui, peu à peu, accèdent à des fonctions de responsabilité lourdes, sans toutefois, pour l’instant, franchir le mur de la sacramentalité des ministères ordonnés. 10. De nouvelles
tendances. Les églises traditionnelles, tant protestantes
que catholiques, ont une certaine peine à s’adapter à la modernité. Estimées
trop rigides, hiérarchiques, dépassées en leur langage et leur appréhension
des questions contemporaines, en particulier en matière de morale,
occidentales à l’excès, elles ont vu depuis les années 60, se développer des
courants qui laissent plus libre cours à l’affectivité, à la spontanéité, à
la liturgie libérée des contraintes rituelles. Souvent enracinés dans des
populations moins bien intégrées que celles qui pratiquent les expressions
traditionnelles du christianisme, marquées par un rapport direct à l’Ecriture
(fondamentalisme), et menés par des personnalités charismatiques aux allures
de prophète. Ils sont peu critiques à l’égard des pouvoirs économiques ou
politiques. Ces courants sont globalement dénommés
« évangélistes ». D’origine protestante (Pentecôtisme), ils
affectent assez largement le catholicisme, se regroupant en « communautés
nouvelles ». Un travail préalable d’analyse politique est requis pour
apprécier leur pertinence. Ils ont en particulier servi de contre-feu aux
théologies de Conclusion : des rapprochements
progressifs. Le
temps n’est plus où les Protestants avaient aux yeux des Catholiques la
réputation d’avoir les pieds palmés…Le semblable autre. Depuis la 2ème
moitié du XXème siècle, un souci partagé de rapprochement se manifeste entre
les 2 confessions. Les combats communs menés au plan social ou politique, le
scandale que représentent les divisions entre chrétiens, la perte du statut
majoritaire de l’Eglise catholique, l’évolution des mentalités de plus en
plus marquées par l’esprit critique et le libre-arbitre, le péril apparu en
France de relégation des religions dans le domaine du privé, du folklore ou
du strict optionnel interdit d’expression publique, au risque de leur disparition,
ont rapproché les confessions chrétiennes. Le sentiment t la conviction aussi
d’une réciproque fécondation. Côté
catholique : ce que nous avons reçu de Aux
protestants de nous dire ce qu’ils ont pu recevoir des catholiques… Mais,
comme toujours, entre catholiques et protestants, il semble que ce soit la
théologie qui divise et l’action qui rassemble. Notre tâche n’est pas de nous
abstenir de raisonner notre foi, mais de faire que les sillons tracés par la
préoccupation commune des gens, et spécialement des plus exclus, puisse nous
amener à confesser d’une même voix le même Credo. Le troisième terme, que
nous nommons Règne de Dieu, et tous ceux qui y sont appelés au nom de leur
dignité d’enfants de Dieu, apparaît être pour nous l’horizon eschatologique
qui nous rassemble. |
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Jean-Marc Bocquet, vicaire épiscopal, avril 2006 |
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