Marie, dissipons quelques malentendus

Texte complet de Pascale Watine
théologienne catholique

Bonsoir à tous. Je tiens à vous dire combien je suis heureuse et honorée d’être parmi vous ce soir. Pour plusieurs raisons, d’abord pour les circonstances qui nous rassemblent, fêter un millénaire, c’est un événement historique important, ensuite pour le sujet abordé, Marie, la mère de Jésus, le Christ notre Seigneur, celui qui est venu dans le monde pour notre salut, enfin pour le groupe œcuménique qui nous accueille et qui a organisé ce soir cette conférence à deux voix. Car c’est devenu aujourd’hui pour moi une évidence qu’on ne peut faire de la théologie, en l’occurrence ici de la théologie mariale, sans être à l’écoute de ce que pensent et disent les autres Églises. Pour nous catholiques, c’est une implication ecclésiologique directe du subsistit in, vous savez, ces deux petits mots du Concile Vatican II qui précisent que l’unique Église du Christ déborde les frontières de l’Église catholique. Aussi je me réjouis de la présence à mes côtés du pasteur Frédéric Verspeeten. Une autre évidence pour moi, je ne peux parler de Marie sans avoir, avec un regard catholique, une approche œcuménique sur la question, d’autant plus qu’il s’agit de dissiper les malentendus tant du côté protestant que du côté catholique. Aussi ne vous attendez-pas à une présentation exhaustive de la théologie mariale catholique. Enfin, je voudrai dire que si nous sommes là ce soir, c’est d’abord pour mieux connaître nos traditions ecclésiales et respecter leurs différences, un principe fondamental en œcuménisme, mais c’est surtout pour nous enrichir et nous interpeller mutuellement.

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Avant d’entrer dans le vif du sujet, je ferai deux remarques préliminaires qui nous aideront à mieux saisir les enjeux de la question et permettront déjà de dissiper quelques malentendus ou idées préconçues.

La première que le groupe des Dombes a soulignée, c’est que Marie n’a été pour rien dans la rupture des Églises au XVIème siècle. Marie n’a pas été la cause de la séparation, mais elle en est devenue la victime. Il faut savoir que la doctrine mariale des temps de la Réforme était très proche de celle des catholiques. Luther a d’ailleurs écrit un très beau commentaire sur le Magnificat. Des écrits réformés témoignent également d’une grande vénération à Marie, il suffit de lire le traité intitulé: « De l’honneur qui doit être rendue à la sainte Vierge Marie », publié en 1633, pour en être convaincu. Donc la Réforme protestante au XVIe siècle n’a pas d’abord été hostile à Marie. Elle a surtout été hostile aux indulgences et aux abus du clergé, d’où au départ, son désir de réformer l’Église. C’est seulement au XVIIIe siècle que les protestants se sont raidis vis-à-vis de Marie, suite à des développements de la mariologie aux siècles suivants.

Il y a eu tellement d’abus, d’excès de dévotions mariales chez les catholiques que les protestants avaient beaucoup  de mal à nous entendre parler de Marie. Nous pouvons dire que nous, catholiques, nous avons une part de responsabilité dans ce rejet, parfois épidermique, que l’on peut rencontrer chez nos frères d’autres Églises. Depuis le Moyen-Âge, certaines pratiques étaient devenues déviantes et finalement faisaient tort à l’image de Marie. Pour donner un exemple, certains parlaient de Marie comme de la quatrième personne de la Trinité. On faisait de Marie un intermédiaire entre Dieu et les hommes, et le Christ était en quelque sorte relégué, oublié. Les protestants ont eu raison de réagir. Il fallait sortir de cette impasse où la mariologie était parfois devenue de la mariolâtrie.

Deuxième remarque concernant Marie : Il n’y a pas qu’entre catholiques, protestants, orthodoxes, évangéliques qu’il nous faut vivre l’œcuménisme. Entre membres d’une même confession, il peut y avoir des sensibilités mariales très diverses. Je pense à un prêtre anglican qui disait : si vous demandez à des anglicans la place de Marie dans leur vie, vous auriez sans doute 10 réponses différentes. S’excluent-elles pour autant ? Toute la question est là. Alors quelles sont ces positions ou plutôt ces principales tendances que l’on rencontre au sein d’une même Église et que l’on absolutise parfois ? Soit on a tendance à situer Marie très haut, et on la contemple surtout comme la Reine du ciel, soit on la regarde plutôt vers le bas, vers la terre, et on la voit davantage comme l’humble servante du Seigneur. Par rapport à ces tendances que l’on qualifie dans l’Église catholique de maximalisante d’un côté et de minimisante de l’autre, il est intéressant d’interroger les Écritures, non pas pour faire une étude exégétique des textes sur Marie, mais pour regarder ce que Marie nous dit d’elle-même.

Que dit Marie à l’ange lors de l’annonciation : « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole ». Je suis la servante du Seigneur. Le mot grec, c’est le mot doulos qui signifie l’esclave. Marie se situe donc très bas. L’annonciation nous montre Marie, une jeune femme juive toute simple, ouverte à l’inattendu de Dieu, disponible, capable de donner sa vie, en toute liberté, pour faire la volonté de Dieu. Et quand elle apprend que l’enfant serait conçu du Saint Esprit, Marie ne cherche plus à tout comprendre puisque cela dépasse son entendement. Mais parce qu’elle a fait confiance à l’envoyé de Dieu et avait confiance en Dieu, elle a pu s’abandonner et se libérer de tout ce qui aurait pu la retenir. Marie avait la liberté de refuser.

Cette annonce prophétique de l’ange qui l’a remplie de joie, joie de l’Esprit et du service de Dieu, Marie ne peut la garder pour elle-même, elle a besoin de la partager à ses proches. Aussi part-elle en toute hâte à travers les montagnes de Judée pour rejoindre sa cousine Elisabeth et lui annoncer la Bonne nouvelle du salut. C’est la visitation. Et réalisant à quel point toutes deux avaient bénéficié d’une attention toute particulière de Dieu, Marie se met à le glorifier en chantant son Magnificat. Que dit alors Marie ? « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon Esprit en Dieu mon sauveur » (Lc 1, 47). Puis elle dit : « Il s’est penché sur son humble servante » (Lc 1, 48). Marie se situe encore du côté des petits, mais elle ajoute aussitôt : « désormais toutes les générations me diront bienheureuse ». Étonnante, cette parole prophétique de Marie. Abraham, son Père dans la foi, n’a jamais osé dire cela. Pourtant Dieu lui avait promis une descendance innombrable. Aucun personnage biblique n’a dit cela auparavant. « Désormais toutes les générations me diront bienheureuse » (Lc 1, 48). Marie ici se situe très haut.

Alors on peut préférer une vision de Marie exalté dans la gloire à celle de Marie comme servante obéissante à son Seigneur, ou vice versa. Cela ne fait aucun problème. Ces visions ne s’excluent pas. Mais pourquoi vous avoir dit tout cela ? D’une part,  parce que ces tendances vont se retrouver chez les pères du Concile Vatican II lorsqu’ils aborderont les questions mariales, d’autre part, parce qu’il peut y avoir problème lorsqu’on absolutise la tendance, ou lorsqu’on glisse sur une pente qui n’est plus dans la droite ligne de l’Évangile. Alors peuvent naître des tensions, des oppositions, voire des allergies au sein d’une même tradition. Et là il nous faut être veilleur pour rester dans la communion les uns avec les autres.

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Après ces deux remarques préliminaires, puisque je vous ai proposé une approche œcuménique de Marie, je vais dans un premier temps commencer par relever ce qui nous unit avant de regarder les questions qui fâchent, celles qui font problème entre les Églises. Puis dans un deuxième temps, nous regarderons ce que dit Vatican II sur Marie et où l’on en est aujourd’hui entre catholiques et entre Églises. Ne soyez pas étonnée par la méthode que je vous propose. C’est une pratique courante en œcuménisme aujourd’hui de partir de ce qui nous unit, et d’aller aussi loin que possible dans l’affirmation commune. Cela permet souvent de réaliser qu’il y a plus de convergences que l’on ne pensait au départ.

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I. Qu’est-ce qui nous unit ?

Tous, catholiques, protestants, orthodoxes, anglicans, nous vénérons Marie, tous nous l’honorons comme la mère du Seigneur, la mère du sauveur. Les orthodoxes ont par exemple une très grande vénération à la Vierge.

Pour tous, elle est le modèle de toute existence chrétienne, tout particulièrement dans le domaine de l’obéissance filiale et de la foi, l’espérance et la charité. Le fiat de Marie est un oui inconditionnel, un oui qui accepte de ne pas tout maîtriser, un oui qui fait confiance et accepte de se laisser conduire par le Seigneur. Marie s’appuie donc sur Dieu et non sur ses propres forces, ce qui lui donne de passer à travers les épreuves de la nuit et d’être debout au pied de la croix, continuant d’espérer dans les promesses de l’ange. Jusqu’au bout, la foi de Marie est indéfectible et son espérance intacte. L’espérance est cette vertu théologale qui n’a jamais cessé d’habiter Marie, quelques soient les événements, la fuite en Égypte, la perte de Jésus au temple, la passion, Marie espère dans le Seigneur et cela dès le début de la vie publique de Jésus. Lorsqu’à Cana, en Galilée, elle voit que les serviteurs n’ont plus de vin, que leur dit Marie ? « Faites tout ce qu’il vous dira ». Ce qui importe avant tout pour Marie, c’est faire la volonté de Jésus.

C’est ainsi que Marie nous apparaît comme modèle de tous les croyants, elle qui fut la première en chemin, étant devenue elle-même disciple du Christ. Du statut de mère, Marie est en effet passée au statut de disciple. On l’a vu à Cana, on le voit aussi à Capharnaüm quand on dit à Jésus « ta mère et tes frères sont là qui te cherchent. Vous connaissez la réponse de Jésus : « Qui sont mes frères, qui est ma mère ? Mes frères, mes sœurs, ma mère, ce sont ceux qui font la volonté de mon Père ».

Marie se situe donc toute entière du côté des hommes. C’est ce que toutes les confessions chrétiennes affirment. Marie est une créature humaine, une femme de l’humanité. Elle n’est donc pas une divinité. Toute mariolatrie est donc à exclure. Marie avait la foi de son peuple, elle vivait l’attente et l’espérance messianiques. Marie se situe donc du côté de l’humanité, et comme chacun d’entre nous, Marie a besoin d’être rachetée, sauvée.

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Jusqu’ici, je ne pense pas me tromper en disant que nous sommes tous sur la même longueur d’onde. On peut encore continuer. Que confessons-nous ensemble dans notre foi ? Qu’est-ce qui est central dans notre foi chrétienne au sujet de Marie ?

Nous confessons ensemble la virginité et la maternité divine de Marie. Dans le second article du symbole des apôtres, nous disons : « nous croyons en Jésus-Christ, qui a été conçu du Saint-Esprit et qui est né de la Vierge Marie ». Dans celui de Nicée-Constantinople (381), nous disons : « par le Saint-Esprit, il a pris chair de la Vierge Marie et il s’est fait homme ». Ce credo est commun à toutes les Églises puisque toutes les Églises chrétiennes reçoivent les conciles de l’Église des premiers siècles. Ces conciles étant œcuméniques sont normatifs pour toutes. Donc tous, nous croyons en la virginité et la maternité divine de Marie. C’est fondamental. C’est ce qui est au cœur de notre foi.

Nous confessons encore ensemble, dans le troisième article du symbole des Apôtres, que nous croyons à la communion des saints et à la place privilégiée de Marie dans cette communion.

Et puisque les conciles œcuméniques des premiers siècles sont normatifs, normalement tous nous confessons que Marie est la Theotokos, c’est un mot grec qui signifie la mère de Dieu. Bien sûr, non la mère de la divinité, du Dieu Trinité, mais la mère du Dieu fait homme, du Dieu incarné, du Verbe qui s’est fait chair et qui a habité parmi nous, pour reprendre le prologue de St Jean. Il faut savoir que c’est dans le contexte d’un problème christologique que Marie fut proclamée la Théotokos au concile d’Éphèse, en 431. Ce titre, Marie mère de Dieu, est donc à comprendre dans le sens de Marie, Mère de Jésus-Christ, fils de Dieu.

Il me semble que tout ce que je viens de dire peut être entendu par les différentes Églises, ce qui nous invite à éviter des jugements trop hâtifs du style « les protestants ne croient pas en Marie » !….

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II. Mais alors quelles sont les questions qui fâchent et font difficulté ?

Tout d’abord, l’invocation de Marie. Tous nous honorons et vénérons Marie, mais tous, nous n’invoquons pas Marie. Catholiques et orthodoxes demandent à Marie d’intercéder pour eux, ils lui adressent des prières d’intercession comme l’a fait l’ermite Bertholin il y a mille ans. Nos frères protestants, qui refusent toute intercession de Marie et des saints (c’est une des raisons pour lesquelles ils ne peuvent dire avec nous la seconde partie du « je vous salue Marie ». Sainte Marie, priez pour nous, pauvres pécheurs maintenant et à l’heure de notre mort), ont raison de nous rappeler que la piété mariale ne doit pas occulter la relation du chrétien avec le Christ. C’est d’ailleurs pourquoi les orthodoxes représentent toujours Marie avec l’enfant Jésus. Vous ne trouverez pas d’icône de Marie sans que Jésus ne soit représenté. Marie nous montre son fils, elle le présente au monde parce qu’il est le chemin, la vérité et la vie. C’est vers lui que doit se fixer notre regard.

Le deuxième point concerne la coopération de Marie au salut. Nous, catholiques, nous affirmons que Marie a coopéré au salut. Par son fiat exprimé en toute liberté, Marie a accepté de jouer un rôle dans l’histoire du salut. Elle a accepté de porter en son sein le sauveur de l’humanité qu’elle a enfanté à Bethléem. Les Églises issues de la Réforme n’aiment pas beaucoup ce mot de coopération, par crainte que l’on donne à Marie une place presque aussi importante que celle de Jésus dans le salut. Et c’est justement cela qui fait vraiment problème, c’est quand nous parlons de Marie comme co-rédemptrice. Et ils ont raison de se fâcher. C’est un titre qui a été donné à tort à Marie, un titre qui a circulé dans les décennies qui ont précédé le concile et que, malheureusement certains catholiques continuent encore à utiliser. Or l’Église catholique, le 31 octobre 1999, a clairement affirmé avec les luthériens : « Seul Jésus-Christ nous sauve ». Nous n’y sommes pour rien. Il est l’unique sauveur, le seul sauveur. Le salut vient de Dieu qui, en Jésus-Christ, nous a manifesté la puissance de son amour. Le salut est donc tout entier du côté de Dieu. Ce qui ne contredit en rien que Marie ait coopéré au salut comme instrument de Dieu.

Un autre terme qui fâche, c’est le terme « médiatrice » appliqué à Marie. Nous savons bien qu’il n’y a qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes. C’est Jésus, le Verbe fait chair, conçu de l’Esprit, né de la vierge Marie. Vrai Dieu et vrai homme, dira le concile de Chalcédoine en 451. Il n’y a donc pas d’autre intermédiaire entre Dieu et les hommes. Il est le seul médiateur par lequel Dieu se donne lui-même dans l’Esprit Saint. Lui qui est dans le sein du Père, nous dit l’évangéliste Jean dans son prologue, lui qui est l’engendré du Père, non pas créé, de même nature que le Père, disons-nous dans le credo de Nicée-Constantinople, il est le seul à pouvoir nous dévoiler, nous révéler le vrai visage de Dieu. Les protestants ont raison de nous rappeler ce dogme de l’unique médiation du Christ qui est aussi le nôtre.

Viennent ensuite les deux dogmes mariaux : le dogme de l’Immaculée conception, promulgué en 1854 par Pie IX [Voir la Bulle Ineffabilis Deus (DzS 2803)]et celui de l’Assomption en 1950 par Pie XII.[Voir la constitution apostolique Munificentissimus Deus (DzS 3903)] Ces deux dogmes constituent la principale pierre d’achoppement entre les Églises concernant Marie. Alors que leur reproche-t-on ?

D’une manière générale, on leur reproche de ne pas être suffisamment fondés sur les Écritures, et de ce fait, ils apparaissent inacceptables. La Sola Scriptura étant un des grands principes de la Réforme, tout ce qui n’est pas explicitement dit dans les Écritures fait difficulté pour ces Églises. Pour eux, le dogme de l’immaculée conception semble contredire le témoignage de l’Écriture qui nous dit que le Christ est venu dans le monde pour les pécheurs. Pour les anglicans, ce qui faisait difficulté, ce n’était pas tant le contenu de ces deux dogmes, mais le fait qu’ils soient déclarés comme des éléments authentiques de la foi apostolique révélée.

Quant aux orthodoxes, ils estiment que ces dogmes ont été définis unilatéralement par l’Église catholique, sans concertation avec leurs Églises, par conséquent, ils n’engagent que les catholiques. À cela s’ajoute pour eux le fait que ce sont des définitions papales et non des définitions conciliaires. Mais les orthodoxes proclament aussi Marie, comme « la toute pure », et « la toute immaculée », mais pour eux Marie n’est pas immaculée du fait de sa conception, mais parce qu’il lui a été accordé de ne pas se laisser dominer par le péché, et de réaliser avec l’aide de Dieu, la grâce de Dieu, sa vocation d’image de Dieu. Quant à la destinée finale de Marie, la tradition orthodoxe parle le plus souvent de dormition, même si elle emploie aussi le mot Assomption. La mort de Marie est attestée, mais le corps de la Mère de Dieu n’a pu subir de dégradation.

Nous catholiques, que disons-nous ? Soit nous soulignons que le corps de Jésus n’aurait pu naître d’une chair marquée par le péché, soit nous comprenons l’immaculée Conception comme la marque d’une sainteté qui est accordée à Marie de façon toute gratuite, faisant d’elle une femme comblée de grâce (Lc 12, 28) lui permettant de prononcer un jour le fiat. Quant au dogme de l’Assomption, Marie élevée en corps et en âme à la gloire céleste, il est à comprendre comme le parfait exemple de cette réalité de la résurrection déjà à l’œuvre.

Ces deux dogmes sur : Marie conçue sans péché et Marie élevée en corps et en âme à la gloire céleste, nous les considérons comme des privilèges de la theotokos, les privilèges de la mère de Dieu qui a bénéficié, par anticipation, de la grâce rédemptrice du Christ et de la grâce prévenante de Dieu. Dieu donne à Marie dès sa conception la grâce qui sera donnée à l’humanité par la Croix et la Résurrection de son Fils.

Pour dissiper des malentendus, je rappellerai que ces définitions dogmatiques promulguées par Pie IX et Pie XII ne sont en aucun cas des définitions arbitraires et autocratiques des papes. Elles entrent dans le cadre de l’adage lex orandi, lex credendi ( ce passage du vécu au cru) et font suite à une consultation de tous les évêques chargés d’exprimer le sensus fidelium des fidèles de leur Église locale. Les évêques de Rome se sont ensuite prononcés, non pas au nom d’une infaillibilité personnelle, mais au nom de l’infaillibilité de l’Église. J’ajouterai que ces définitions ne sont pas à considérer comme des additions au donné révélé, mais comme un déploiement, un approfondissement du donné révélé.

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III. Après avoir dressé ce tableau, qui ne se prétend pas exhaustif, de ce qui nous unit et de ce qui fait problème,  je voudrai voir avec vous comment le concile Vatican II s’est situé par rapport à Marie, et comment il a réagi devant ces difficultés que je viens d’énoncer ?

Le problème marial s’est très vite posé au concile. Les Pères étaient partagés sur la question. Certains voulaient que le concile s’arrête plus longuement sur la figure de Marie, comme c’était le cas dans le schéma préparatoire, en en faisant un texte à part, d’autres voulaient inclure un chapitre sur Marie dans la constitution sur l’Église, d’autres encore préféraient uniquement des allusions à la Mère de Dieu ou même un silence total.

Finalement, c’est la discrétion vis-à-vis de Marie qui l’emporta. Pourquoi ? Quel en était l’enjeu ? Il ne s’agissait pas de mettre délibérément dans l’ombre le mystère de Marie pour éviter d’accentuer les différences séparatrices entre Églises. Le véritable enjeu pour les Pères conciliaires, c’était l’équilibre de la foi.  Pour le concile qui se voulait essentiellement pastoral, le besoin d’un rééquilibre dans ce domaine était devenu nécessaire car, pour beaucoup de catholiques, Marie était mise sur le même pied que le Christ, parfois elle semblait même compter davantage que son Fils. Devant cette montée de la foi en la médiation et en la co-rédemption de Marie, le grand dogme chrétien de l’unique médiateur semblait s’estomper. C’est donc pour une mariologie plus vraie et plus adulte qu’ont milité les Pères. Il n’était pas question de nuire à l’honneur de la Mère du Sauveur, ni de mettre Marie à l’écart, mais de respecter son mystère.

Concrètement, comment cela s’est-il traduit ? Les pères conciliaires ont finalement mis le chapitre sur Marie à l’intérieur de la Constitution sur l’Église. Marie n’était donc pas située au-dessus de l’Église, mais au sein du peuple de Dieu, à l’intérieur de l’Église.

Ce chapitre 8 sur Marie n’a donc pas constitué un traité à part, comme le souhaitaient de nombreux Pères, il est le dernier chapitre de Lumen Gentium, la constitution dogmatique sur l’Église. Il faut savoir que cette décision fut votée avec une majorité de 40 voix sur plus de 2000. Il y eut exactement 1134 voix favorables à l’intégration du chapitre sur Marie dans la constitution sur l’Église et 1074 voix contre. Ce qui reflète les deux tendances dont je vous parlais tout à l’heure. La tendance maximalisante (ou inflationniste), héritière du mouvement marial qui s’était développé durant les 150 dernières années et qui militait en faveur d’affirmations mariales nouvelles, de nouveaux titres à donner à Marie, de nouvelles pierres à apporter à sa couronne. Le premier projet sur l’Église allait dans ce sens. L’autre tendance, la tendance minimisante, se voulait plus fidèle au renouveau biblique et théologique. Cette majorité de justesse fut un tournant pour le concile qui élabora un discours sur Marie dans un ton nouveau.

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Quel fut l’enseignement du concile sur Marie ? Le concile situe Marie dans le mystère du Christ et de l’Église, c’est le titre du chapitre VIII de Lumen Gentium : « La bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu, dans le mystère du Christ et de l’Église ».

Ce qui signifie que la méditation de la foi n’est pas rivée, centrée sur Marie, comme sur un objet ultime, mais Marie dans sa relation au Christ avec l’histoire générale du salut, et Marie dans le mystère de l’Église à laquelle elle appartient comme membre. Dans le salut, elle se situe bien du côté des rachetés. Certes ajoute le concile, dans l’Église, « la bienheureuse Vierge Marie occupe la première place, offrant à un titre éminent et singulier, le modèle de la Vierge et de la mère. À la naissance et à l’éducation des croyants, elle apporte la coopération de son amour maternel » (LG  63). Et au lieu d’élaborer de nouveaux titres mariaux, le concile a préféré le retour aux sources bibliques et traditionnelles. C’est là un changement de direction. On laisse de côté l’idée que le dogme doit sans cesse se développer de définition en définition. Le concile ne définira donc rien de nouveau. Pour les Pères, le respect le plus fondamental et l’hommage le plus grand qui pouvait être rendu à Marie, c’était de nuancer certaines affirmations concernant Marie et de les resituer face au mystère du Christ. C’était pour eux le plus grand honneur que l’on pouvait lui faire, c’était aussi la resituer à sa juste place.

Le concile présente le rôle et le destin de Marie en suivant le cours de son existence. Il souligne fortement la foi de Marie qui a avancé dans le pèlerinage de la foi jusqu’à l’épreuve de la croix où elle se tint debout (LG 58). Il a évité toute idée de co-rédemption, le terme est donc absent, de même qu’il a voulu éviter toute idée de médiation. Les pères l’ont évité pour respecter les Écritures. L’affirmation scripturaire de l’unique médiateur se trouve dans la première épître à Timothée : « Car il n’y a qu’un seul Dieu, qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes, un homme : Christ Jésus, qui s’est donné en rançon pour tous » (1 Tm 2, 5). L’expression de «médiatrice » apparaîtra quand même une fois, à la suite d’une succession de titres qui indiquent que cette médiation est à comprendre dans le sens d’une intercession.

Par contre, il est clairement dit que Marie a coopéré au salut des hommes dans la liberté de la foi et de l’obéissance (LG 56). Marie n’est donc pas qu’un instrument passif. Le rôle de Marie dans l’incarnation et la rédemption est présenté comme celui d’une « associée    généreuse » et d’une humble servante du Seigneur » (LG 61) à qui la grâce de Dieu a permis de « coopérer » au salut. Le concile reprend cette citation de St Irénée : « par son obéissance, Marie est devenue, pour elle-même et pour le monde, cause du salut » (LG 56). Elle est devenue « la mère des vivants », reprenant les Pères de l’Église qui la comparaient avec Ève. L’obéissance de Marie apportait la Vie, disaient les Pères, la désobéissance d’Ève la mort.

Quant au culte de la Vierge Marie, le concile marque bien la différence entre le culte rendu à Marie (le culte marial) et le culte rendu à Dieu. « Si le culte envers Marie présente un caractère absolument unique ; il n’en est pas moins essentiellement différent du culte d’adoration qui est rendu au Verbe incarné ainsi qu’au Père et à l’Esprit Saint » (LG 66). Le concile réclame que le culte à la Vierge Marie soit avant tout centré sur le Christ et qu’il rende gloire à Dieu. C’est bien dans ce sens là que va le rosaire.

Telles furent les orientations du concile où la majorité des Pères ont voulu aboutir à une piété mariale plus vraie et plus adulte en 1963.

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Alors, que s’est-il passé après le concile, du côté catholique?

Il me faut d’abord souligner que les Églises ont été touchées d’une façon générale par l’ouverture œcuménique du concile, et ici par le fait que l’on ait situé Marie au sein du peuple de Dieu.

Du côté catholique, on peut dire que les orientations conciliaires ont été respectées pendant tout un temps. Le terme de co-rédemption n’a jamais plus été utilisé officiellement. On est passé d’une théologie de Marie-reine à une théologie de Marie-servante. Ce n’étaient plus les privilèges d’une Mariologie triomphante qui occupaient l’attention, mais la vierge d’Israël, celle qui représente les pauvres de Yahvé, la servante de l’annonciation, la mère de famille qui a couru les risques et les épreuves liées à l’enfance de Jésus et qui a mené à Nazareth une existence ordinaire. Celle qui s’est effacée devant son Fils pour se retrouver présente à l’épreuve de la croix. C’est Marie s’offrant à notre imitation comme exemple d’existence selon le royaume.

Il faut savoir que Paul VI lui-même avait donné des orientations à la piété mariale, notamment une orientation œcuménique intéressante. Il dira « Sans atténuer le caractère propre du culte marial, la volonté de l’Église catholique est d’éviter avec soin toute exagération susceptible d’induire en erreur les autres frères chrétiens sur la doctrine authentique de l’Église catholique, et de bannir toute manifestation cultuelle contraire à la pratique catholique légitime » (n. 32) [Voir l’exhortation apostolique sur le culte marial, Marialis cultus, 2 février 1974, in DC  71 (1974) 301-318]. Notons en passant que Paul VI avait proclamé en 1964, donc avant la fin du concile,  au nom de son autorité personnelle et indépendamment du concile, Marie, Mère de l’Église, c’est à dire de tout le peuple de Dieu aussi bien des fidèles que des pasteurs. Cette proclamation qui n’est pas une définition dogmatique (pas une définition du pape ex cathedra), ne se trouve pas dans le concile qui ne voulait justement pas placer Marie au-dessus de l’Église. Il lui avait préféré le titre de Mère dans l’économie de la grâce.

 En 1987, Jean-Paul II consacrera une encyclique à Marie Redemptoris Mater. Il se réfère constamment au concile et reprend son plan : Marie dans le mystère du Christ, puis dans le mystère de l’Église. Son approche est biblique. Il compare la foi de Marie à celle d’Abraham. La vierge est inscrite dans la grande communauté des rachetés. Mais alors que le terme de médiation avait été évité par le concile, il le reprend, non dans le sens où il est appliqué au Christ, mais dans le sens d’une médiation maternelle, telle qu’elle s’est exprimée à Cana dans l’intercession de Marie auprès de Jésus.

Aujourd’hui,  les orientations de Vatican II restent en vigueur. Mais on voit réapparaître dans certains milieux des orientations mariales d’avant Vatican II.

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IV. Quarante ans après le concile : Où en est-on aujourd’hui entre Églises dans nos compréhensions de Marie ?

Notons d’abord qu’il a fallu environ trois décennies avant que des instances œcuméniques nationales ou internationales se risquent sur le sujet et réussissent à avoir une parole commune sur Marie, tant le sujet était controversé. Aujourd’hui, des dialogues nationaux et internationaux mandatés par leurs Églises ont réfléchi sur les questions mariales. Le dialogue luthéro-catholique aux USA a permis, en 1992, de produire le document L’unique médiateur, les saints et Marie [Cf. The One Mediator, the Saints, and Mary, Lutherans and Catholics in Dialogue VIII, H. George Anderson,. Francis Stafford, Joseph A. Burgess (eds.), Augsbourg, Minneapolis], quant au dialogue international anglican-catholique, il a conduit au texte publié en 2004 : « Marie, grâce et espérance dans le Christ » [Cf. Mary, Grace and Hope in Christ, An Agreed Statement by the Second Anglican-Roman Catholic International Commission, ARCIC II, London, CTS / Church House Publishing, 2004. En français, voir Service d’information 118 (2005/I-II) 46-65]. Un texte qui va loin dans l’affirmation commune. Anglicans et catholiques affirment ensemble que le contenu du dogme de l’Assomption est en consonance avec l’Écriture et avec l’ancienne tradition commune, tandis que l’Immaculée Conception n’est pas contraire à l’enseignement de l’Écriture et ne peut être comprise qu’à la lumière de l’Écriture [Au niveau scripturaire, Anglicans et catholiques renvoient au fait que l’Écriture montre que Dieu a souci de ses serviteurs dès avant la naissance et fait état de la grâce de Dieu qui précède même leur conception. “Avant de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais, avant que tu ne sortes de son ventre, je t’ai consacré; je fais de toi un prophète pour les nations” (Jr 1, 5).  La réponse, vous la connaissez, je suis trop jeune…n’aie pas peur, je suis avec toi. Dans la perspective paulinienne de la grâce, ils diront que Marie est, de façon emblématique, “l’ouvrage de Dieu, créée dans le Christ Jésus en vue des œuvres bonnes que Dieu a préparées d’avance”. Toutes ces grâces sont orientées vers une destinée de gloire dont l’Écriture donne une expression concrète dans Élie (2 R 2, 11), Henoch et le larron repentant. Anglicans et catholiques parviennent à affirmer ensemble qu’il est conforme à l’Écriture de dire que Dieu a pris Marie dans toute sa personne dans la plénitude de la gloire.] Ils reconnaissent en particulier que les deux dogmes mariaux sont en harmonie ou en correspondance avec la théologie biblique de la grâce et de l’espérance eschatologique.

Quant au groupe des Dombes (dialogue non officiel), il a opéré des clarifications doctrinales et émis des interpellations pastorales.

Au niveau de la coopération au salut, on a pu s’expliquer en regardant exactement ce que l’on mettait derrière les mots. Et le fait que l’Église catholique ait affirmé avec les luthériens dans une déclaration récente sur la justification que seul J.C. nous sauve, que le salut est 100/ 100 du côté du Christ, cela a contribué à un autre regard des protestants sur le sujet.

En ce qui concerne les deux dogmes mariaux, des pas importants ont été faits. Le groupe s’étant expliqué sur la coopération et la justification par la grâce seule, les protestants ont pu dire que l’interprétation de ces dogmes ne comporte plus rien qui soit contraire à l’annonce évangélique. En ce sens, ces dogmes n’engendrent pas de divergence séparatrice (cf. n. 326). Ils demandent aux catholiques, s’appuyant sur le principe de la hiérarchie des vérités du Décret sur l’œcuménisme (UR 11), que l’adhésion à ces deux dogmes ne soient pas une condition préalable à l’entrée dans la pleine communion ecclésiale des deux Églises. Quant aux catholiques, ils demanderaient alors aux protestants de respecter le contenu de ces deux dogmes et de ne pas les juger comme contraire à l’évangile et à la foi.

Le groupe des Dombes considère que ce qui est dogme de foi pour les uns peut être considéré par les autres comme theologoumenon, c.à.d. comme une opinion théologique légitime, et donc non séparatrice d’Église.

En ce qui concerne le culte marial, l’invocation de Marie et des saints, il va dire : « les catholiques ont à réapprendre que, selon la tradition ancienne, on ne « prie » pas les saints, mais qu’on les « invoque » pour qu’ils prient Dieu pour nous. Dans la litanie des saints, que l’on entend notamment lors des ordinations sacerdotales, on ne fait pas autre chose. Chaque invocation comporte la réponse « Priez pour nous ». Saint Benoît, priez pour nous. Sainte Anne, priez pour nous….Dans le Je vous salue Marie : sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous.

Les protestants nous demandent de privilégier les représentations de la Vierge avec son fils, que Marie ne soit jamais séparé de son Fils. Ils nous demandent aussi d’éviter des abus de langage ou des excès dans le culte et la pratique populaire. Et cela me paraît très important.

Quant aux catholiques, ils invitent les protestants à sortir de leur réserve prudente vis-à-vis de Marie, et à lui donner sa vraie place dans l’intelligence de la foi et dans la prière de l’Église.

* * * * * * *

En priant sur ce que j’allais vous dire en conclusion, m’est venu à l’esprit la première parole de Luc sur Marie dans les Évangiles, après la naissance de Jésus : Luc nous dit : « elle gardait et méditait tous ces événements dans son cœur ». C’était la forme de prière de Marie. Peut-être ce soir, pouvons-nous, à notre tour, vivre cette forme de prière de Marie : garder dans notre cœur et méditer sur ce que nous aurons entendu pour sortir de la polémique stérile et de la culture du soupçon, pour respecter davantage nos diverses compréhensions de Marie et voir comment elles peuvent nous rejoindre et nous interpeller.

Car c’est tout de même incroyable que Marie, la mère du Sauveur, soit devenue objet de tant de dissensions entre les chrétiens. Marie qui n’a jamais cherché à attirer l’attention sur elle, qui s’est toujours effacée devant son Fils. Car c’est le sauveur que Marie veut nous montrer, c’est le Seigneur qu’elle nous invite à contempler et à suivre. C’est là sa mission essentielle. Le nouveau centre œcuménique marial à Nazareth n’a pas d’autre vocation.

En ce début du millénaire de Notre Dame du Saint Cordon, j’ai envie de rendre grâce pour le chemin parcouru entre Églises sur ces questions mariales. Aujourd’hui, nous nous mettons à parler de Marie avec un peu plus de sérénité, du moins je l’espère, et du côté catholique, nous avons une compréhension plus équilibrée, plus juste de son mystère, une compréhension qui tient à lui faire honneur sans l’amoindrir. Mon souhait ce soir, c’est que ces textes de dialogue théologique entre Églises soient mieux connus, qu’ils puissent être reçus à la base et par les Églises et porter du fruit pour que nous puissions grandir dans la communion et devenir davantage l’Église telle que Dieu la veut.

 

Pascale WATINE,
théologienne,
membre de la communauté du Chemin Neuf.

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Marie, dissipons quelques malentendus

Conférence à deux voix (P. Watine, F. Verspeeten)
donnée à Valenciennes le 13 mai 2008
à l’occasion du millénaire de Notre-Dame du Saint Cordon

Texte complet de Frédéric Verspeeten
théologienne catholique

I.             Quelques repères : les Réformateurs

Les protestants y pensent d’autant moins que les catholiques en parlent davantage. Certes aujourd’hui le dialogue œcuménique concède que pour les catholiques il y a des hiérarchies de vérité et pour les protestants des vérités centrales.

Mais l’essentiel demeure le centre. Le centre c’est Jésus-Christ (pour le christianisme). Le Christ seul qui nous révèle et communique la grâce de Dieu.

Les Réformateurs –il faut le dire immédiatement- ont été très prudent vis-à-vis de tous les excès de piété mariale hérités du Moyen Age.

S’ils sont différents, Luther et Calvin manifestent envers Marie des convictions et comportements qui méritent d’être soulignés.

Luther considérait que tout ce qui n’est pas strictement interdit par l’Ecriture peut être autorisé. En tout cas tout au moins cela peut être accepté avec certaines limites … qui ne doivent pas déplacer sur l’humain l’initiative divine.

Pour Luther, que l’on évoque Marie dans l’année liturgique, lors des fêtes de l’annonciation, de la visitation ou de la purification, n’est pas contradictoire avec l’Ecriture. Par contre les doctrines non encore dogmatisées de l’immaculée conception ou de l’assomption de la vierge Marie, qui ne bénéficient d’aucune attestation biblique ni de légitimité évangélique, sont à écarter.

Luther est quelqu’un qui est méconnu des catholiques. Mais il faut se souvenir que Luther est avant tout un moine, et qu’il lui fait (à Marie) une place dans sa piété. Luther a commenté avec vigueur et ferveur le magnificat. Il y voit la douce mère de Dieu (mais ne vous trompez pas, de grâce, dans ces termes) qui nous enseigne par son exemple, son expérience, ses paroles et sa discrétion, comment on doit reconnaître et louer Dieu …

Marie de Nazareth est une femme humble. Elle est pauvre, sa pauvreté (matérielle et spirituelle) en font « la petite » que dieu choisit car il porte son regard sur les choses faibles de ce monde afin de confondre les fortes. L’on oublie trop souvent qui était Marie en réalité, au profit de nos constructions ultérieures sur le mythe de Marie. Marie connaît un destin dogmatique officiel avec le concile d’Ephèse en 433 (Théotokos).

Luther disait que : « Jésus vint naître de cette race méprisée de cette pauvre servante. Un rameau, une fleur surgissent de cette personne que les filles de Caïphe et Anne n’auraient pas jugé digne d’être leur domestique … » (Luther, Magnificat, Œuvres, Tome III, 1964, p. 19-20, Labor et Fidès édit.).

Pour Luther encore, Marie est cette humble auberge dans laquelle Dieu peut habiter. Elle est l’atelier dans lequel le salut se met en œuvre. Joyeuse de cette bonne nouvelle elle demeure humble et souffrante. Elle baissera le front devant l’Ange. Elle symbolisera par son chant le renversement des valeurs et des autorités. Les puissants ont été abaissés, les humbles élevés. Comme il fit pour elle de grandes choses, Dieu le fait pour nous tous.

Pour Luther, Marie est un personnage important de la longue chaîne des témoins de la révélation. Mais il ne faut pas lui conférer autre chose que ce que l’Ecriture lui concède, ou plutôt lui reconnaît.

C’est ainsi qu’il prendra la distance nécessaire pour souligner qu’il n’y a pas d’absolution complémentaire qui puisse être obtenue par les mérites de la « Bienheureuse ». Philippe Melanchton, proche de Luther et principal rédacteur de la Confession d’Augsbourg (1531), écrit justement : « une croyance générale a mis la bienheureuse vierge à la place du Christ. On l’a invoquée, on a mis sa confiance en elle. Dans sa miséricorde et par son entremise on a voulu rendre le Christ bienveillant comme s’il n’était pas le propitiateur mais seulement un vengeur terrible.

Nous sommes au 16ème siècle quand ces mots sont écrits. Après le scandale des indulgences et des prétendus mérites des saints. Les Réformateurs rappellent que le Salut nous est donné en Jésus-Christ et par Lui seulement et pleinement. Marie, personnage important des Evangiles, est du côté des sauvés et non du Sauveur.

Calvin, lui, s’exprime curieusement moins sur le sujet. Mais il est clair pour lui que tout ce que l’Ecriture n’induit pas directement doit être refusé. Calvin se méfie des gestes religieux, des images, des gestes liturgiques et des fioritures qui attirent davantage l’attention sur la gestuelle que sur le Sauveur. Pour Calvin tout ce qu’il faut attribuer à Marie est le rôle de l’Esprit Saint. Calvin considère que l’on en fait trop lorsque l’on veut absolument prouver ou enseigner de manière unilatérale la virginité perpétuelle ou la pureté exceptionnelle de Marie. Il se méfie de l’appellation du titre de mère de Dieu. Mère de Jésus de Nazareth, le Christ, certes ; et c’est ainsi qu’il faut entendre mère de Dieu. Car Dieu n’a en vérité ni père ni mère, mais il est lui-même l’origine de Tout. Marie est pour lui le modèle à imiter lorsqu’elle désigne le Christ et dans l’itinéraire de la vie chrétienne.

Mon parcours des Réformateurs ne serait pas complet si je ne donnais la parole à Ulrich Zwingli, qui est à mes yeux plus que le Réformateur de Zurich, mais le Réformateur des premières heures de La Réforme non luthérienne. Selon lui Marie est la parfaite image de l’Eglise servante, qui s’engage dans la charité et la solidarité sociale. Il maintenait les fêtes de l’annonciation et de l’assomption, l’angélus et l’Ave Maria.

Les Réformateurs ont été assez prudents dans ce domaine. Assez critiques vis-à-vis de la mariologie médiévale. Ils sont courageux parce qu’ils acceptent de redonner à Marie la place qu’elle doit avoir. Ils sont reconnaissants envers elle, mais ils rappellent que la mariologie n’a aucun sens en elle-même. Aux origines du christianisme, dans les premiers siècles, lorsque l’on évoquera Marie ce ne sera pas pour écrire le chapitre de la mariologie à côté de celui de la christologie mais tout simplement parce que l’on essayera d’expliquer l’incarnation. Car il y avait tellement de manière de l’expliquer (13ème au 2ème siècle), et Marie est étroitement liée au mystère de l’incarnation.

* * * * * * *

II.           La quête des Ecritures

Si l’on regarde maintenant les Ecritures, il est évident que le témoignage néotestamentaire en faveur d’une mariologie gourmande est faible. L’Evangile de Marc n’en dit pas un mot. L’Evangile de Jean parle de l’incarnation du logos et renonce à tout récit maternel. Marie y apparaît deux fois, à Cana et au pied de la croix.

Matthieu et Luc nous livrent des récits de l’enfance et de la naissance de Jésus plus détaillés. Surtout Luc. Mais les deux histoires sont différentes. Dans l’Evangile de Matthieu c’est Joseph qui est le personnage central de la révélation. C’est à lui que l’on dit que Marie porte un enfant qu’il faut accueillir. Pour Luc il en va autrement. C’est Marie qui est au centre. C’est dans cet Evangile que l’on nous dit qu’une faveur (grâce) lui a été faite (Luc 1, 28). Elle est graciée (c’est-à-dire objet de la faveur de Dieu), élue pour un destin particulier. Ce qui est beau ici c’est cette attestation de la grâce. Elle en bénéficie. Elle ne la possède pas. Il n’y a pas de Marie pleine de grâces au pluriel, mais Marie graciée, touchée par l’unique grâce de Dieu. Elle en bénéficie. Cette Marie des Evangiles n’est pas la « Sainte Vierge » que continuera la tradition ultérieure, ni Notre Dame.

Les textes bibliques sont sobres. Et aujourd’hui il y a un consensus pour le reconnaître. Certes Luc nous livre un texte magnifique : « Le Magnificat », mais dans ce texte même l’Evangile s’en tient à l’essentiel : elle est graciée, bénie, justifiée. Comme tous les mortels elle est appelée au Salut. Luc ne fait aucune place à une immaculée conception … !

Il n’est pas possible de suivre aujourd’hui un parcours biblique détaillé mais disons encore que les épîtres de Paul ne font aucune place à Marie. Si ce n’est une allusion en l’épitre aux Galates (Galates 4, 4) : Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme et assujettie à la Loi. Le silence de Paul souligne que le centre unique de l’Evangile est bien le Christ Jésus, et que là tout est dit.

Quant à la référence à l’Apocalypse (chapitre 12, verset 1), la femme évoque la victoire finale de l’Eglise et non de Marie.

On ne peut empêcher toutefois le peuple de réfléchir sur le sens de l’incarnation et son mystère.

Si les Evangiles canoniques laissent entendre que ce qui compte ce n’est pas la chair, mais ce qui se passe dans la chair, mais l’Esprit de Dieu qui vient renouveler toutes choses et nos cœurs … il n’en demeure pas moins vrai que les humains peuvent s’interroger sur le merveilleux divin.

Et les Evangiles apocryphes vont satisfaire dans les premiers siècles ce besoin. Ils sont eux prolixes, bavards, et ils exagèrent. La discrétion respectueuse des Evangiles canoniques est ici piétinée et c’est dans ces textes que l’on va trouver sans subtilité les allusions sur l’immaculée conception et sur l’assomption, sans oublier la virginité perpétuelle !

Il est incontestable que ce sont ces écrits qui ont façonné l’essentiel de la piété mariale. Le proto-évangile de Jacques (2ème siècle) raconte la merveilleuse enfance de Marie. Le pseudo-Matthieu souligne la pureté absolue de la mère de Jésus. Le pseudo-Thomas retrace l’enfance d’un Jésus qui, enfant, produit des miracles. Enfin l’histoire de Joseph le Charpentier (datant environ de l’an 400) vient ajouter aux évangiles que Joseph était veuf, père d’autres enfants qui seraient les frères et sœurs de Jésus.

Pour revenir un peu en arrière disons que c’est bel et bien avec le proto-évangile de Jacques, écrit au 2ème siècle et qui est aussi connu sous le titre de Nativité de Marie, que l’on nous présente Marie née de famille davidique aisée, de descendance royale. Joachim son père était riche. Anne son épouse va avoir un enfant, Marie, qui sera élevée dans le Temple.

Le proto-évangile de Jacques, lui, essaie d’expliquer comment une nuée lumineuse couvrit la grotte et que cette lumière se retira peu à peu pour dévoiler l’enfant Jésus.

Au 9ème siècle le livre de la nativité de Marie (9ème – début du 10ème même) centre son récit sur l’histoire même de Marie jusqu’à la naissance de Jésus ! C’est un apocryphe qui a été largement diffusé au 12ème siècle et a construit la légende mariale.

* * * * * *

III.         La question de la théologie mariale

Les travaux du Groupe des Dombes ont permis aux théologiens protestants de préciser en quoi il peut y avoir consensus avec l’Eglise catholique romaine et en quoi il y a semble-t-il exagération (grossièrement, surestimation).

Les protestants de manière générale distinguent trois niveaux dans ce domaine :

-         Le premier niveau est relatif à ce que l’on appelle la piété populaire. La mariolatrie. Il était surprenant pour les protestants du monde entier d’entendre, lors du Jubilé 2000, que le grand pénitencier proposait aux fidèles parmi les œuvres à accomplir pour obtenir l’indulgence du Jubilé … des pèlerinages avec invocation à la vierge, et des visites aux basiliques de la Nativité à Bethléem ou de l’Annonciation à Nazareth … !

-         Le 2ème niveau d’exagération se situe dans la proclamation des dogmes de l’immaculée conception (1854) et de l’assomption (1950). Mais ces deux dogmes ne posent pas seulement question au protestantisme. Ce sont des dogmes catholiques romains.

-         Enfin le 3ème niveau de difficultés se situe peut-être, non dans l’art chrétien, mais dans le commerce de la piété populaire avec des représentations en plâtre ou en plastique des petites médailles bénites avec les images de type sulpicien.

Au-delà des aspects que nous venons de souligner les difficultés majeures se font jour pour :

A.       La coopération de Marie au salut de l’humanité, salut opéré par jésus. Le concile de Vatican II avait abandonné les termes de co-rédemption et de médiation.

B.       La virginité. Notamment la virginité perpétuelle. Cette idée que la virginité soit de l’ordre du matériel.

C.       Les deux dogmes de l’immaculée conception et de l’assomption.

D.       La dernière difficulté est liée à l’invocation de Marie. Même avec les nuances que l’on apporte de Dulie et de Latrie.

Le protestantisme considère, qui les doctrines religieuses sont liées à l’histoire de l’humanité, comprend les raisons du succès de la doctrine mariale et il l’explique pour cinq raisons :

1.       Marie est image de la vierge mère.
Elle apparaît à un moment de l’histoire du christianisme comme la mère souffrante et miséricordieuse. Symbole de miséricorde face à un Christ que l’on avait rendu défiguré, sanglant, en oubliant qu’il était le bon berger !

2.       Marie est considérée comme l’image de l’Eglise idéale. Elle dit Jésus en Jean 2, 5 « Faites tout ce qu’il vous dira ». Ici elle incarne la servante du Seigneur. Cette image est intéressante.

3.       Marie est le pendant féminin de Jésus.

4.       Marie est-elle le pendant féminin de Dieu ???
- Si Marie n’a rien à voir avec les représentations anciennes de la divinité
- si Marie n’a rien à voir avec les héros grecs nés de vierges ou avec le culte d’Astarté, reine du ciel, ou d’Artémis d’Ephèse
Il est évident que depuis la naissance du christianisme l’image de Dieu s’est extrêmement masculinisée … !
Au point que l’on a oublié que le Dieu que révèle le premier testament, ce Dieu Esprit, présente des figures féminines. Dans le judaïsme des trois siècles avant Jésus-Christ la sagesse de Dieu participe au gouvernement du monde. En hébreu, l’Esprit (Rouah) est du genre féminin.
La tradition chrétienne, face à ce Dieu trinitaire masculinisé et face à sa difficulté à faire une place réelle aux femmes, va peu à peu transférer à Marie les caractéristiques du Saint-Esprit ! Elle devient une sorte de Dieu qui, comme l’Esprit Saint, console, édifie, exhorte les croyants.
En réalité il me semble que la mariologie est symptomatique de notre incapacité à parler de Dieu au féminin. Jurgen Moltmann et son épouse ont évoqué le Dieu homme et femme. Si Dieu est Dieu-le-Tout-Autre au delà du masculin et du féminin, il est aussi cela.

* * * * * *

IV.         Marie, modèle du croyant

Si l’on prend comme base le Magnificat, il est intéressant de remarquer que l’Evangile de Luc nous propose au travers de la rencontre de Marie avec l’ange un itinéraire spirituel. Ainsi Marie rencontre un ange, rencontre étonnante et qui dit beaucoup de choses.

a.       D’abord Dieu vient vers elle. Ce faisant elle veille sur ce monde, sur l’histoire, sur notre histoire. Il ne vient pas vers elle en juge mais en ami intime. La rencontre avec Dieu est spirituelle. Dieu révèle sa tendresse envers Marie et envers l’humanité. Il arrive à Marie ce qui est déjà arrivé à d’autres femmes de la Bible, rejointes dans leur intimité, dans le secret de leur âme.

b.       Alors elle peut prier de joie et se reconnaître comblée de grâce. Ce qui arrive à Marie est extraordinaire. Elle donne naissance à celui qui se révèlera être le Fils de Dieu. Mais dans son parcours il y aura des épreuves. Marie nous enseigne que Dieu vient nous combler de sa grâce. Ce qui arrive à cette femme nous est promis à tous : non pas d’enfanter Jésus mais de vivre pleinement de la grâce parfaite de Dieu. Il ne nous est pas facile de comprendre comment Dieu vient vers chacun de nous. Il donne sens à la vie de Marie, comme il veut donner sens à nos vies. Marie sait désormais que Dieu n’est pas indifférent à sa vie.

c.       Jeune femme vierge elle porte un enfant. La virginité mise en scène ne relève pas selon moi de la matérialité mais du regard que Dieu porte sur les siens. L’Evangile parle de pureté de du cœur, de l’âme, de l’Esprit (1 Thessaloniciens 5, 23). Cette  femme pécheresse est regardée pure, telle une page blanche. Ce que Dieu attend de nous c’est la disponibilité et l’accueil de la grâce. Nous avons des problèmes avec l’incarnation parce que nous la voyons de façon trop charnelle, physique, sexuelle. La pureté dont parle le Magnificat est de l’ordre du vouloir de Dieu. Il y a de multiples états de vie, mais la pureté c’est le regard de Dieu. C’est Lui qui la confère à l’Être qui s’ouvre à sa présence.

Marie, dans le Magnificat, sait dire à Dieu quel est son bonheur. Elle est capable de Lui dire : qu’il me soit fait selon ta parole. Je voudrais que chacun puisse en dire autant. Son OUI à Dieu est une parole de confiance !

Marie, plus tard, enfante Jésus. Elle va apprendre à discerner la divinité dans notre humanité. Marie restera humble et modeste. ! Elle est des pauvres de YHWH ! Elle est ouvrière de la nouvelle alliance qui rend notamment aux femmes la place qu’on leur a refusée.

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V.           Chemins protestants

En résumé le protestantisme soucieux de fidélité à l’Ecriture Sainte qui révèle l’essentiel du salut accompli en Jésus-Christ considère que :

1.       Jésus, né de Marie, a vécu la condition humaine et est venu annoncer le pardon de Dieu.

2.       Marie, sa mère selon la chair, n’est pas une figure centrale de la foi ni de l’Ecriture, mais cette figure n’est pas insignifiante. Elle propose un itinéraire de foi et de confiance à tous les humbles.

3.       Le Nouveau Testament ne dit et ne sait rien de la naissance de Marie, ni de sa mort. Ce que l’on peut en dire au-delà demeure légendaire. Et n’a de valeur que si cela préfigure ce qui arrivera à tous les croyants (entrée dans le Royaume de Dieu, regard de Dieu qui nous voit pur sans mérite et qui confère sans grâce, qui nous accueille en son Royaume)

4.       La vocation de Marie est unique. Elle est bénie entre toutes les femmes, déclare l’Evangile selon Luc (1, 42). Son fils se révèlera par l’œuvre de Dieu être le témoin, le fils éternel, le révélateur de l’alliance de grâce.

5.       Marie se révèle disponible à Dieu, obéissante. Elle est image de notre vocation. Chaque membre de l’Eglise doit pouvoir se laisser toucher par la Parole de Dieu !

6.      Elle participe à l’opération de salut de Dieu pour sauver le monde. Car Dieu ne veut pas le salut des hommes sans qu’ils ne se sentent concernés. Mais elle ne confère pas la grâce.

7.       Les Réformateurs n’ont pas combattu « bille en tête » la proclamation du titre de Théotokos. Il ne s’agissait pas d’un dogme mais d’une proclamation, d’une présentation de l’œuvre de Marie. Marie est mère de Christ en tant qu’homme (nature humaine), mais il a été engendré par Dieu. Il est fils de Dieu.

8.       Par ailleurs le culte marial se heurte à une difficulté majeure : le Christ ne le suscite pas, ne l’encourage pas, ne l’organise pas.

9.       Marie nous apprend la foi, l’humilité, l’espérance. Elle nous montre le Christ. Toute adjonction ne fait pas partie du dépôt apostolique. Elle occupe toutefois une place particulière dans la grande famille et nuée de témoins.

* * * * * *

VI.         Quelques pistes pour conclure

Le Pape Paul VI dans une exhortation apostolique sur le culte marial déclarait en 1974 qu’il fallait soumettre le culte marial à un contrôle permanent :

-         au niveau de la dévotion

-         au niveau liturgique, en modérant les exercices de piété

-         au niveau œcuménique il faut être à l’écoute des frères chrétiens

-         au niveau anthropologique enfin comme modèle qui donne courage et ouvre à l’amour.

Ces points demeurent actuels, mais la figure de Marie ouvre un certain nombre de questions qui méritent notre réflexion commune :

1.       La faiblesse de Dieu : quand nous confessons Jésus-Christ conçu du Saint-Esprit né de la vierge Marie, nous refusons le paganisme antique mais nous affirmons que Dieu veut habiter la faiblesse humaine. C’est un évènement sans égal.

2.       La naissance, au-delà des débordements, nous révèle l’humanité du Christ. L’Esprit veut habiter parmi les humains

3.       Marie évoque l’idée de l’Eglise « mère ». Cela n’a rien d’institutionnel mais c’est l’image de l’Eglise qui, en tant que servante, transmet la foi. C’est ce qui visé dans la désignation de « mère ». L’Eglise dans sa diversité doit permettre, comme le laisse entendre le titre de Théotokos, le passage jusqu’au Dieu vivant, jusqu’au Fils.

Frédéric Verspeeten,
Théologien protestant
Pasteur de l'Eglise réformée de France à Valenciennes

 

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