|
Le psaume 139 |
|
|||||||||||||||
|
Les fiches bibliques listées
ci-dessous renferment des ressources bibliques concernant principalement le psaume 139
|
|
|||||||||||||||
|
|
|
L’expérience
de l’auteur du Psaume 139 qui dit à Dieu : |
|
|
Seigneur tu me
connais parfaitement Seigneur, tu
regardes jusqu’au fond C’est toi qui a
créé ma conscience, Ô Dieu, regarde au
fond de mon cœur Extraits du Psaume 139 |
|
|
L’expérience de l’auteur
du Psaume 139 qui dit à Dieu : |
|
O |
Mais, où est Dieu ? |
O |
|||||||
|
|
|
|||||||
|
|
|
|||||||
|
Article
extrait du numéro 261 Abonnez-nous et Où est Dieu? Quand on pose cette question, on ne peut s'empêcher
de penser à l'interrogation des ennemis du psalmiste exilé, probablement à Babylone,
se moquant de lui et le raillant en disant « Où est ton Dieu? » (Ps
42,4 et 11) ! Ce qui revient en fait à lui dire « Que fait-il
donc ? », comme
traduit d'ailleurs La Bible en français courant en n'hésitant pas à
s'éloigner ainsi de la traduction littérale du texte hébraïque. Oui,
que fait Dieu, où est-il ? Telle peut être la question, terriblement
angoissée, voire désespérée, de celles et ceux pour lesquels le Ciel est vide
et Dieu est un Dieu absent. Qu'il s'agisse des victimes de la guerre, de
l'injustice, de la faim dans le monde, de cataclysmes naturels épouvantables,
d'un deuil ressenti comme injuste et cruel. .. « Où est Dieu, que
fait-il ? »
Ce sont aussi là les mots, le soupir, de tant de malades
souffrant dans la solitude et le silence d'un hôpital. Et cette
question n'a-t-elle pas été la nôtre un jour, dans
un moment très douloureux de notre vie ? Nous l'avons
posée en allant jusqu'à nous demander « Dieu
existe-t-i1 vraiment ? ». Nous avons peut-être
même repris à notre compte le cri de Jésus sur la
croix : « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m'as-tu
abandonné ? » (Mc 15.34). Ce cri n'est pas
véritablement celui du désespoir, puisqu'il s'adresse
encore à Dieu, mais il est pour Jésus, comme pour nous,
celui d'une authentique détresse humaine. Dans les camps de la
mort, que de fois cette plainte n'est-elle pas montée sur les
lèvres des victimes de l'horreur : « Où
est Dieu ? » ! C'est un alexandrin d'Alfred de
Vigny qui évoque alors, à Gethsémané, ce
silence absolu répondant seul à l'appel de Jésus
adressé à son Père : « Mais le
ciel reste noir, et Dieu ne répond pas. »
(« Le Mont des Oliviers », Les destinées) Qui peut encore dire « Dieu », tout simplement comme si de rien n'était après Auschwitz et
Buchenwald ? La romancière anglaise Virginia Woolf (1882-1941) écrit ces
mots ironiques : « Il y a quelque chose d'indécent chez celui qui, assis
près du feu, croit en Dieu ». Où
est Dieu ? Il est dans nos appels, notre quête et notre recherche, dans
nos cris de révolte, nos anathèmes, nos doutes, nos blasphèmes, notre
athéisme même. Je pense au titre d'un admirable petit livre d'une cinquantaine
de pages du pasteur Roland de Pury, qui fut résistant et emprisonné, Job
ou l'homme révolté (Labor et Fides, 1955). Après avoir affirmé que Dieu
atteste la vérité des protestations, des plaintes et de la révolte de Job,
Roland de Pury écrit: « Quand on se rappelle l'extraordinaire violence
des cris de Job et son réquisitoire brandissant impitoyablement tous les
arguments de l'athéisme, face aux paroles si souvent édifiantes, si
profondément religieuses, si propres à justifier Dieu, de ses amis, on ne peut
s'empêcher alors de penser que Dieu est plus souvent du côté de ceux qui
l'attaquent que du côté de ceux qui le défendent, et qu'il est certainement
des athées plus proches de la vérité chrétienne que bon nombre d'apologètes
chrétiens. Qu'il est des révoltés que Dieu préfère aux gens soumis de ses
Églises, et des malheureux criant dans leur angoisse et dans leur nudité qui
témoignent de lui plus valablement que les avocats trop sûrs de leur
affaire. » On
pourrait écrire un autre livre intitulé Jésus ou l'homme révolté. On
pourrait même écrire un très gros livre intitulé Dieu ou le Dieu révolté. Il
s'agirait là de ce Dieu qui, en Jésus, lutte à nos côtés dans une révolte,
non pas négative ou nihiliste, mais positive, constructive et créatrice, pour
faire triompher la vie sans cesse contrariée par des puissances mortifères, celles
de la maladie, du mal, de la souffrance, des injustices, de la mort. Ce Dieu
des évangiles n'est assurément pas le Dieu « tout puissant » de nos
phantasmes. Je me rappelle Théodore Monod qui aimait à citer.son père, le pasteur
Wilfred Monod déclarant « Dieu ne nous protège pas de la foudre, mais il
est avec nous quand nous sommes foudroyés, accablés ». La foi, comme
l'écrivit souvent W. Monod, est un quand même. Dieu lui-même est un quand
même, comme le disait le titre de son dernier livre paru juste après sa
mort : Quand même! Le vrai nom de la divinité chrétienne (Éditons
Jeheber, 1943). Le théologien catholique contemporain
Maurice Bellet, dont les ouvrages sont marqués par une belle et intense
dimension poétique, a écrit : « Le seul Dieu que nous pouvons
supporter désormais, ce n'est pas le Dieu des hauteurs, c'est le Dieu qui est
avec nous dans les ténèbres. Si Dieu est, il est en l'homme ce point de lumière
que rien n'a puissance de détruire. » Je ne suis pas venu apporter la
paix ... Essai sur la violence absolue, Albin Michel, 2009). Où
est Dieu ? Plusieurs réponses ont été apportées à cette question. Il me
semble possible d'en retenir quelques-unes, tout à fait classiques. L’une
d'elles affirme que Dieu est au Ciel. La prière que nous a léguée Jésus et
transmise la tradition commence par cette invocation bien connue: « Notre
Père qui es aux Cieux ». Bien sûr, il s'agit aujourd'hui de démythiser une
telle expression ; nous n'allons plus chercher Dieu au delà des nuages.
Une lecture rationnelle d'une telle affirmation s'impose, en toute honnêteté intellectuelle. Cela dit, il
est possible de faire à ce sujet trois remarques qui dépassent ce simple constat
et cette évidence. Premièrement,
dire de Dieu qu'il est au Ciel, pour Jésus comme pour les chrétiens et cela
pendant des siècles, même acquis au caractère approximatif et relatif des
mots humains, ne correspondait pas à une image et à une manière poétique de
dire les choses. Il s'agissait là d'une vision de la réalité postulant très
concrètement alors un univers à trois étages : la terre, un Ciel où
résidait Dieu avec sa cour céleste au-dessus de nos têtes, par-delà les nues,
et les « enfers » au plus profond de la terre. La vision du monde (Weltanshauung) de l'homme biblique
n'a, le plus souvent, plus rien à voir avec la nôtre, même si nous pouvons
reconnaître que notre manière de nous exprimer aujourd'hui sera, très probablement,
elle aussi, dépassée un jour. Il
y a là en fait un enseignement important : nous devrions, nous aussi,
accorder notre manière de dire Dieu, comme l'ont fait ces lointains
devanciers, avec la conception du monde actuelle telle que nous pouvons la
déchiffrer dans l'horizon philosophique et scientifique du monde
contemporain. C'est à ce prix que nous pourrons dire un Dieu, non pas
démontrable, mais crédible. C'est là une tâche à la fois exigeante, inventive
et merveilleusement stimulante. D'autre
part, cette façon de dire un Dieu « au Ciel » a une signification
profonde qui dépasse une simple localisation. On entre là dans l'ordre du
sens ; on s'inscrit dans celui, positif et interprétatif, de la
démythologisation, en allemand Entmytologisierung,
selon le vocabulaire du théologien protestant Rudolf Bultmann (1884-1976). Il
s'agit ainsi de dépasser l'étape, nécessaire mais insuffisante, de la
démythisation. La démythologisation ne va pas, par conséquent, rayer ce « au
Ciel » et d'autres passages bibliques sous prétexte qu'ils sont en
contradiction avec ce que la science actuelle nous apprend de l'univers. On
ne saurait assurément rendre notre foi solidaire du moule, des contextes et
des conceptions culturelles, dans lesquels elle a été coulée. Ce moule n'a en
effet et en tant que tel rien de spécifiquement évangélique et chrétien. Dans
une telle perspective, la démythologisation n'est pas d'abord, ni surtout, ni
essentiellement, une exigence dé la modernité ; mais bien une requête de
la foi elle-même. On cherchera en effet non seulement à traduire ces données
obsolètes et à les exprimer, tant que faire se peut, dans nos représentations
modernes, mais à considérer leur signification dans l'ordre de la foi :
il ne s'agit pas -et c'est vrai pour tout texte biblique- de ne voir que ce
que ce texte dit, mais bien aussi et surtout ce qu'il veut dire et nous dire.
Affirmer que Dieu est au Ciel, c'est en réalité reconnaître que l'on ne peut
pas atteindre Dieu par nous-mêmes, qu'il nous dépasse infiniment, que nous ne
pouvons pas l'enfermer dans des mots, des définitions, des doctrines, aussi
belles et profondes seraient-elles : Dieu est la Transcendance. Cela est
vrai hier comme aujourd'hui, quelle que soit notre manière de vouloir dire
Dieu et chercher où il est. Enfin, l'invocation « Notre Père qui
es aux Cieux » a quelque chose de magnifiquement paradoxal, voire contradictoire.
On y dit, d'une part, que Dieu est lointain et inaccessible, au Ciel, et,
d'autre part, qu'il est proche de nous, « notre Père ». Cette
tension dynamique, avec ces deux affirmations opposées, ressemble à deux
pierres que l'on frotte l'une contre l'autre pour en faire jaillir des
étincelles, le feu et la lumière. Dire
que Dieu réside dans la nature correspond à un panthéisme, plus ou moins
radical, selon lequel Dieu est largement identifié au monde et présent
partout en lui. Ce panthéisme est très divers et aux multiples facettes qu'il
s'agisse de celui des stoïciens, de Plotin (v. 203-v. 270), de Spinoza
(1632-1677) ou de Hegel (1770-1831), par exemple et pour ne citer qu'eux. Certes,
pour beaucoup, la beauté de la nature et de certains de ses paysages incline
ceux qui les contemplent à y voir comme un reflet de la gloire divine et de l'amour
du Dieu créateur. Cela pourtant ne devrait pas conduire à une sorte
d'adoration et à un culte de la nature. Cette dernière en effet est marquée
par la loi de la jungle, à savoir, la loi du plus fort. La nature, d'autre part,
met autant d'ingéniosité à susciter la vie qu'à la détruire. La vie s'y
nourrit de la mort des autres, qu'il s'agisse de celle des animaux, ou tout
aussi prodigieuse, des végétaux. Le
pasteur Wilfred Monod (1867-1943), obsédé par cette vérité cruelle, disait
que le lion est finalement de la gazelle digérée, que la nature est un immense
tube digestif. Il montrait très souvent cette tragique et universelle réalité
dans ses prédications, allant jusqu'à évoquer ces entremangements sanglants
au fond même des océans. Une telle réalité ne nous fait-elle pas douter d'une
certaine image du Dieu créateur ? Le Dieu d'amour a-t-il véritablement
voulu une telle machine infernale, cette mécanique impitoyable avec laquelle
la vie humaine et animale offerte à nos yeux semble ne pas pouvoir exister
sans une tuerie implacable ? La
question que je pose ici peut paraître provocatrice, voire blasphématoire,
penseront peut-être certains. Je suis heureusement en bonne compagnie. Albert
Schweitzer (1865-1975) écrit dans un texte remontant à 1922 : « Nous
regardons en face la terrible énigme que le monde représente pour nous et
nous luttons pour ne point douter de Dieu. Nous osons avouer que les forces
agissant dans le monde sont à bien des égards fort différentes de ce que nous
attendrions de la part d'un Créateur bon et parfait. [...] La religion n'est
pas la connaissance du divin révélé par l'observation de la nature. [... ] L’énigme
de la religion, c'est que le Dieu que nous ressentons en nous-mêmes est
différent du Dieu révélé par la nature. » (Les religions mondiales et le christianisme, Van Dieren Éditeur,
2000) La nature ne saurait être divinisée. Cela dit, « le dynamisme créateur de
Dieu » (voir à ce sujet: André Gounelle, Le dynamisme créateur de Dieu. Essai sur la théologie du Process,
Van Dieren Éditeur, 2000) traverse la nature, notre monde et nos vies pour y
surmonter les forces de destruction. Certes, Dieu n'est pas étranger à la
création et il y a entre le monde et lui non pas une identification possible,
mais bien une parenté. En effet si Dieu est en tout, il n'est pas tout pour
autant. Il serait alors plus juste de passer du panthéisme (Dieu est en tout)
à un panenthéisme (Tout est en Dieu). Tout en effet est fondé en Dieu,
enraciné en lui, dont l'énergie créatrice nous anime et nous porte. Dieu est dans des
lieux sacrés L’affirmation
selon laquelle Dieu habite dans des lieux sacrés peut paraître élémentaire et
dépassée aujourd'hui. Pourtant, elle traverse toutes les religions et leur
histoire; elle reste encore très présente à l'heure actuelle. Dieu réside
dans des temples - temples égyptiens, grecs, romains, temple de
Jérusalem, par exemple - ; le psalmiste évoqué au début de cet article
regrette l'époque où il pouvait se rendre dans « la maison de Dieu »
(Ps 42,5), appellation combien discutable et assez fréquente dans la Bible !
Calvin, au XVIème siècle, voulait que les temples soient fermés en dehors des
heures de culte, parce que l'on avait pris j'habitude d'accomplir des
dévotions en allant d'une église à l'autre et même, dans les églises, d'une chapelle
à l'autre, convaincus que les prières y seraient plus efficaces et mieux
exaucées si elles étaient ainsi faites dans des lieux sacrés habités par la présence
divine. Un
pasteur me raconta avoir concélébré avec un curé, dans le cadre d'une
célébration œcuménique, un mariage religieux dans une église de province.
Compte tenu de la configuration des lieux, ce collègue était obligé, au cours
de la cérémonie, de passer devant le tabernacle, cette petite armoire fermée
à clef contenant le ciboire et les hosties consacrées, réceptacle de la
présence réelle de Dieu en Jésus-Christ. Le tabernacle est d'ailleurs souvent
signalé par une petite lampe rouge. Le pasteur, avec un souci fraternel et
bien légitime pour ne choquer personne, devait-il se recueillir devant ce
tabernacle, s'arrêter devant lui, incliner la tête, par exemple ? Ayant
posé la question au prêtre, il vit ce dernier éteindre la petite lumière et
lui dire : « Monsieur le pasteur, j'ai éteint la présence réelle !
». Et notre collègue de lui répondre : « Au moins nous restera-t-il
celle de la Parole. » Présence
réelle ? 11 faut se rappeler ce qu'elle signifie très précisément. Dans
un livre de Philippe Martin consacré à l'histoire de la messe, nous trouvons
au cœur de l'ouvrage, très bien choisies, des illustrations significatives,
dont l'une représente, au milieu du XXème siècle, des vignettes destinées aux
enfants. L’une de ces images montre une petite fille et un petit garçon à
genoux devant l'autel et le prêtre leur donnant l'hostie. Il est écrit sur
l'image elle-même : « L’Eucharistie contient véritablement
réellement et substantiellement le Corps, le Sang, l'Âme et la divinité de
Jésus-Christ. » (Le théâtre divin. Une histoire de la messe du XVIème
au XXème siècle, CNRS Éditions, 2010). Le
pain et le vin de la cène ne contiennent pas, pour les protestants, la
présence divine à travers le corps et le sang de Jésus-Christ. Dieu n'est pas
là, même si nous croyons à la présence de Jésus dans notre cœur, dans la vie
et dans notre monde. La Bible ne contient pas non plus, par une sorte d'antithèse
protestante, la présence de Dieu que nous pourrions identifier à la lettre
des Écritures. Avec la prière d'illumination, qui précède la lecture de la
Bible en chaire, nous demandons à Dieu de nous éclairer par son Esprit pour
nous faire entendre sa Parole à travers des textes évidemment, et parfois très
lourdement, humains. Le prédicateur ne devrait pas dire, par conséquent,
comme il le fait parfois : « Nous allons lire la Parole de Dieu. » De même, à l'heure de la communion, on
adresse à Dieu une prière (épiclèse) lui demandant son Esprit pour nous
permettre de vivre avec ce sacrement autre chose qu'un simple pique-nique
liturgique. Dieu n'est pas dans la Bible ni dans le pain et le vin de la
cène. Et la table de communion n'est pas là un autel sur lequel serait
célébré un sacrifice. Nous ne pouvons enfermer Dieu. C'est là une tentation
constante de toutes les religions. Cela dit, je reconnais volontiers que les
églises peuvent être des lieux propices au recueillement, à la prière, à la
méditation. Elles ne sont pas pour autant des lieux sacrés. Le
protestantisme, dans une sorte de tremblement de terre à la fois culturel,
social et politique, a procédé à une triple désacralisation : des lieux,
des temps et des personnes (sacerdoce universel). Le sacré reflue en fait
intégralement en l'Éternel : « Soli Deo gloria ! » (À Dieu
seul la gloire !) C'est là la devise unanime des protestants. Raphaël
Picon, - Doyen de la faculté libre de théologie protestante de Paris et
rédacteur en chef d'Évangile et liberté -, avec lequel je
discutais du sujet du présent article (« Où est Dieu ? ») me
déclara que « Dieu n'est nulle part, mais qu'il est potentiellement
partout ». Est-ce une autre manière de dire ce que Maurice Zundel (1897-1975)
a écrit :« Dieu est toujours là; c'est nous qui sommes absents. » ?
(« Le chrétien en mission universelle », Le Caire, 1967, dans Présence
de Maurice Zundel, octobre 2010, n° 72). Ce
Dieu « potentiellement partout » est bien celui qu'atteste cette
parole de Jésus d'après l'évangile de Matthieu : « Quand tu pries,
entre dans ta chambre, ferme ta porte et prie ton Père qui est là dans le
secret. » (6,6). Ce verset est devenu un texte souvent cité par les
protestants pour insister sur l'importance d'une piété très individuelle de l'intériorité
et de l'intime. On est bien là dans la conviction d'une présence de ce Dieu « potentiellement
partout ». On peut penser à une autre injonction, celle, apparemment
absurde et excessive, de Paul s'adressant aux Thessaloniciens et leur disant :
« Priez sans cesse ! » (1 Th 5,17). En fait, il s'agit là
d'une affirmation essentielle pour signifier que l'on peut prier partout et
n'importe quand. Il y a donc là cette remarquable désacralisation des lieux
et des temps chère aux protestants et déjà opérée ici par l'Apôtre. Je pense à un autre texte, celui auquel
je consacrai ma première prédication quand j'étais encore étudiant en
théologie à l'Université de Lausanne. Il s'agit d'un verset concluant le
fameux « Rêve de Jacob » dans lequel Jacob voit une échelle reliant
le Ciel et la terre, et sur laquelle montent et descendent des anges. Dieu s'adresse
alors à Jacob pour lui faire la promesse de sa présence : « Je suis
avec toi. [... Je ne t'abandonnerai pas. » (Gn 28,15). Puis ce rêve est
conclu par ces mots : « Jacob s'éveilla de son sommeil et il dit :
certainement l'Éternel est ici et je ne le savais pas. » (28,16). J'insistai
dans ce sermon sur ce « je ne le savais pas » pour dire combien
Dieu est inattendu. Il ne se trouve pas nécessairement là où nous le pensons
et voudrions. Nous pouvons l'entendre à travers la parole d'un athée et ne pas
l'entendre dans celle d'un théologien chrétien dont le savoir s'affirme
pourtant savoir sur Dieu. Après avoir insisté sur le fait que la Parole de Dieu
ne peut pas être enfermée dans la prédication d'une Église, qui lui imposerait
ses propres limitations, le théologien suisse Karl Barth (1886-1968) écrit
ceci : « Dieu peut nous parler par un athée ou un païen, et nous
faire comprendre par ce moyen que la frontière entre l'Église et le monde profane
passe toujours ailleurs que nous ne l'avions cru. » (Dogmatique, Labor et Fides, 1953, vol.
1, t. 1, fascicule 1). Dieu
est en nous La
Bible, plus particulièrement à travers le Nouveau Testament, répond à la
question « Où est Dieu ? » en affirmant qu'il est en chaque
prophète qui fait entendre la Parole de Dieu, qu'il est en Jésus, bien sûr,
mais aussi et surtout qu'il est en nous. C'est Paul qui insiste sur cela en
déclarant dans ses Épîtres aux Corinthiens : « Vous êtes le temple
de Dieu. » (1 Co 3,16) et « Nous sommes le temple de Dieu. »
(2 Co 6,16). Ces affirmations sont, à bien des égards, extra-ordinaires,
révolutionnaires. Paul avait en effet sous les yeux aussi bien le temple de Jérusalem
que celui de Corinthe en Grèce, lieux sacrés représentant pour leurs
habitants la présence divine par excellence. L'Apôtre bouscule cette manière
d'envisager la présence de Dieu parmi nous en disant que ce temple, c'est
nous qui le sommes et, par conséquent, que Dieu réside en nous. La citation
de Maurice Bellet que j'ai faite plus haut se poursuit d'ailleurs par ces
mots : « C'est cela l'Évangile : l'annonce que Dieu est né en
l'homme. » Une
telle déclaration suscite et entraîne, ou le devrait, pour nous deux
conséquences décisives. Premièrement, si Dieu est en nous cette conviction dit notre
dignité. « Nous sommes des créatures nulles », me disait un jour
une paroissienne en sortant du culte. Non, cela n'est pas vrai, lui ai-je
répondu, si nous croyons que nous sommes le temple de Dieu. Nous ne sommes
plus réduits au néant de notre condition mortelle et pécheresse. Chaque fois
que je prêche, j'ai devant moi une citation du pasteur Charles Wagner, fondateur
en 1907 de la paroisse du Foyer de l'Âme à Paris, qui écrivit ceci : « L’homme est une espérance de
Dieu. ». Et non pas simplement et uniquement Dieu est une espérance de
l'homme. Ces mots immenses que j'ai alors sous les yeux, ce renversement de
perspective, me rappellent que ma prédication ne saurait accabler ses auditeurs,
mais qu'elle doit les encourager, les porter et les aider à vivre. Le
maître à penser du jeune Marx, plus particulièrement en ce qui concerne les
questions religieuses, Ludvig Feuerbach, écrit dans L’essence du
christianisme en 1841 que « l'homme affirme en Dieu ce qu'il nie en
lui-même ». Nous trouvons là la critique de toute une théologie
chrétienne invitant le croyant à s'abaisser devant Dieu, comme si Dieu avait
besoin de notre écrasement pour être grand, pour être Dieu en plénitude. Nous
pouvons promouvoir un humanisme christique. En Jésus, Dieu en effet
revalorise la condition humaine et dit notre dignité. Aux moments difficiles
de notre vie, quand nous sommes au bord de l'abîme et tentés par le
désespoir, il est important de se rappeler que nous sommes le temple de Dieu,
que Dieu nous aide à traverser les tempêtes pour atteindre l'autre rive (Mc
4.35-41) et nous accompagne quand nous marchons dans la vallée de l'ombre de
la mort, comme l'affirme le psalmiste (Ps 23,4). Une
deuxième conséquence découlant de la conviction que nous sommes le temple de
Dieu, c'est l'affirmation d'une responsabilité exaltante. N'ayons pas de
fausse humilité. Penser et croire que Dieu est en nous, c'est découvrir notre
force; un dynamisme, des élans, une mise en marche sont possibles et nous
ouvrent un chemin. Dieu en effet agit en l'homme, en nous. Tout geste de
miséricorde et de justice est un geste divin. « Celui qui demeure dans
l'amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui. » (1 Jn 4,16). Je
peux conclure par une citation du prêtre suisse, grand mystique, Maurice
Zundel déclarant dans une prédication : « Oublions toute notre
négativité, toute notre lourdeur, toute notre fatigue, toute notre usure,
toutes nos limites, toutes les limites des autres. Qu'importe tout cela puisque
Dieu est en nous [... ] » (« Sommes-nous une façade ? »,
homélie du 26 février 1956 à Lausanne, dans Présence de Maurice Zundel, juillet
2011, n° 75). Laurent Gagnebin Article
extrait du numéro 261 Abonnez-nous
et |
|
|||||||
|
Mais, où est Dieu ? |
|